Etats-Unis: quand les plaques d'immatriculation affichent un message raciste ou jihadiste
Prosélytisme, racisme ou même jihadisme: une plaque d'immatriculation ...© 2015 AFP
Prosélytisme, racisme ou même jihadisme: une plaque d'immatriculation peut-elle délivrer n'importe quel message de propagande au nom de la sacro-sainte liberté d'expression? La Cour suprême des Etats-Unis s'est montrée divisée lundi, pour décider si l'Etat doit exercer une censure.
Les neuf juges suprêmes se sont demandé si le Texas avait bien fait de refuser de cautionner une plaque minéralogique à l'effigie du drapeau confédéré, symbole pour de nombreux Américains de racisme et d'esclavage. Les débats n'ont pas porté sur la signification même du drapeau mais sur le droit d'interdire un message en raison de son contenu.
Aux Etats-Unis, tout automobiliste peut personnaliser sa plaque minéralogique avec son prénom, un gros mot, un drapeau, une revendication ou un message de son choix pourvu qu'il paye un supplément à l'Etat où il réside.
Au coeur de l'affaire, le drapeau des Etats confédérés, symbole du passé esclavagiste de certains Etats. Pour l'organisation d'anciens combattants "Sons of Confederate Veterans" (SCV), il s'agit simplement d'honorer l'histoire du pays, quand neuf autres Etats autorisent de telles plaques d'immatriculation.
Mais le Texas (sud), auquel l'organisme s'est adressé, refuse de fabriquer la plaque à l'effigie du drapeau controversé.
Les messages qui apparaissent sur les plaques minéralogiques éditées par l'Etat sont "l'expression du gouvernement", a estimé Scott Keller, l'avocat du service texan des véhicules motorisés (DMV), en comparant ce type de supports aux timbres poste. "Il y a le nom du Texas sur les plaques" et "le Texas maintient toujours un contrôle sur ses plaques", a-t-il argué.
Mais une cour d'appel lui a donné tort, estimant que c'est à l'automobiliste de décider s'il veut ou non afficher ce symbole. Elle a conclu que le Texas était ici coupable de "discrimination de point de vue" envers l'organisation SCV.
Devant la haute Cour, l'avocat de l'association, James George, a fustigé "un contrôle arbitraire" de la liberté d'expression, soulignant que le Texas avait lui-même "créé un système prospère pour lever des fonds" qui est "une invitation pour chacun à créer une sorte de forum public". En outre, "la plaque n'a pas à être fabriquée tant que personne n'en fait la demande", a-t-il observé.
- Nouvelle époque -
La plus haute juridiction du pays devra en premier lieu dire si les plaques minéralogiques sont propriété du gouvernement ou de l'automobiliste qui les accroche sur son véhicule, et donc si elles sont le support de la liberté d'expression de l'Etat ou d'un individu.
Le juge Anthony Kennedy a admis qu'il s'agit là d'un "nouveau forum public pour une nouvelle époque. La question est de savoir si on peut le contrôler".
Mais sa collègue progressiste Elena Kagan a estimé que "la nature même des plaques d'immatriculation", en tant que "propriété publique que l'automobiliste doit rendre quand il vend ou cède son véhicule, en fait "un forum très différent" d'un monument par exemple.
La juge Ruth Ginsburg a souligné que "ce sont des plaques du Texas" et qu'il est donc "raisonnable de penser que le Texas peut exercer un contrôle".
"Pourquoi le gouvernement devrait-il être contraint de cautionner un message qu'il n'approuve pas et avec lequel il ne veut pas être associé?", a renchéri Sonia Sotomayor.
L'association SCV a estimé que le Texas peut toujours ajouter sur la plaque: "Ce n'est pas l'opinion de l'Etat", ce à quoi la juge Sotomayor a rétorqué: "Mais où trouvez-vous la place d'écrire ça sur une plaque?".
Certes, la liberté d'expression est un peu affectée, a admis de son côté le progressiste Stephen Breyer, mais il suffit de "coller un autocollant sur son pare-choc".
Certains juges conservateurs ont semblé au contraire dubitatifs, en passant en revue des cas aussi divers qu'une publicité pour des hamburgers, la promotion d'une université ou d'un culte, la propagande du Klux Klux Klan ou encore des jihadistes.
"Si vous ne voulez pas du discours d'Al-Qaïda, alors ne faites pas de l'argent en vendant des plaques particulières", a ainsi déclaré le président de la haute Cour, John Roberts. Editer un message sur une plaque "ne signifie pas que vous le soutenez, le Texas met son nom sur tout et n'importe quoi", a-t-il estimé.
La décision ne sera pas rendue avant juin.