MONDEVIDEO. Yémen: Après un triple attentat contre des mosquées, la guerre civile couve

VIDEO. Yémen: Après un triple attentat contre des mosquées, la guerre civile couve

MONDELa situation s’est encore détériorée cette semaine dans ce pays déstabilisé par une crise interminable attisée par une milice chiite et les jihadistes sunnites d'Al-Qaïda…
Claire Planchard

C.P. avec AFP

La guerre civile couve-t-elle au Yémen ? C’est ce que pensent de nombreux observateurs alors que le pays a connu des nouvelles violences d’une ampleur inédite cette semaine. Ce vendredi, au moins 142 près personnes ont péri dans un triple attentat suicide contre deux mosquées à Sanaa, les attaques les plus sanglantes depuis la prise de la capitale du Yémen par une puissante milice chiite, les «Houthis» le 20 janvier. Plus de 120 personnes ont été blessées dans ces attentats alors que le pays s'enfonce davantage dans la crise attisée par la milice chiite des Houthis et les djihadistes sunnites d'Al-Qaïda, deux groupes hostiles au pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi.

Montée en puissance des miliciens chiites

Depuis l'insurrection populaire de 2011, dans le sillage du Printemps arabe, qui a poussé au départ le président Ali Abdallah Saleh, le pouvoir central a été marginalisé par deux puissants groupes militaro-religieux qui ont su profiter des événements pour accroître leur influence.

Le premier, le mouvement Ansaruallah ou «Houthis», recrute dans la communauté zaïdite, une branche du chiisme qui représente un tiers de la population du Yémen.

Ce groupe, qui s'inspire du Hezbollah libanais et est soupçonné d'avoir le soutien de l'Iran, a déferlé en septembre 2014 à Sanaa puis étendu son influence vers l'ouest et le centre du Yémen. Il s'est ensuite emparé de la capitale le 6 février.

Dirigé par Abdel Malek al-Houthi, il est soupçonné de vouloir rétablir le régime royal de l'imamat zaïdite aboli en 1962.

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Al-Qaida toujours à l'oeuvre

Les nouveaux attentats perpétrés ce vendredi à Sanaa ont été revendiqués, par Daesh, le groupe autoproclamé Etat islamique. Leur mode opératoire laissait pourtant penser qu'il s'agissait d'attaques du réseau Al-Qaida dans la péninsule arabique (Aqpa), ennemi juré des Houthis et implanté dans le sud et le sud-est du pays. Il pourrait s'agir des premiers attentats du groupe de combattants d'Aqpa qui a prêté allégeance début février à Daesh.

Le groupe Aqpa, né de la fusion en janvier 2009 des branches saoudienne et yéménite du réseau sunnite, est considéré comme l'un des groupes djihadistes les plus dangereux par les Etats-Unis.

Fortement présent dans le sud et le sud-est, Aqpa multiplie les attentats et les attaques, faisant subir à l'armée de lourdes pertes. Il a aussi revendiqué l'attentat du 7 janvier qui a décimé la rédaction de l'hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo.

En plus des forces de sécurité et des Occidentaux, Al-Qaida s'affirme de plus en plus comme la seule force capable de contenir l'avancée d'Ansaruallah.

Un risque de guerre civile

Les espoirs suscités par l'ouverture d'un dialogue destiné à sortir le Yémen de la crise, parrainé par l'émissaire de l'ONU au Yémen Jamal Benomar, sont quasiment morts. Le pays s'est retrouvé pratiquement divisé depuis que le président Abd Rabbo Mansour Hadi s'est installé à Aden, principale ville du sud, après avoir réussi à fuir Sanaa où il était assigné à résidence par la milice chiite.

Abd Rabbo Mansour Hadi, qui avait été poussé à la démission le 22 janvier en même temps que le gouvernement de Khaled Bahah sous la pression des Houthis, est toujours considéré par la communauté internationale comme le président légitime du Yémen.

Le risque d'une guerre civile ou d'une partition au Yémen est de plus en plus évoqué dans les milieux politiques.

Signe précurseur de ce risque, de violents affrontements ont opposé jeudi à Aden les partisans de Abd Rabbo Mansour Hadi à des unités des forces spéciales d'un général rebelle, qui ont tenté de prendre le contrôle de l'aéroport, alors qu'un raid aérien a visé, sans le toucher, le palais présidentiel dans la ville. Le président Hadi qui s'en est sorti indemne (alors que quatre gardes du corps ont péri) a dénoncé «une tentative de putsch». Il a dû être évacué jeudi vers un «lieu sûr» mais «n'a pas quitté le pays», a déclaré une source de la présidence.