Syrie: Pour Fabius, négocier avec al-Assad est un «cadeau scandaleux» à l'EI
MONDE•Le chef de la diplomatie française rejette en bloc toute possibilité de négociation avec le dirigeant syrien...A.B. avec AFP
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a affirmé lundi que négocier avec le président syrien Bachar al-Assad, comme l'a envisagé son homologue américain John Kerry, reviendrait à «faire un cadeau absolument scandaleux » au groupe Etat islamique.
«Préserver les institutions, pas Bachar al-Assad»
«La solution» au conflit syrien, «c'est une transition politique qui doit préserver les institutions du régime, pas Bachar al-Assad », a-t-il déclaré à l'issue d'une réunion à Bruxelles. «Toute autre solution qui remettrait en selle M. Bachar al-Assad serait un cadeau absolument scandaleux, gigantesque aux terroristes de Daesh», l'acronyme en arabe de l'Etat islamique (EI), a-t-il ajouté. «Les millions de Syriens qui ont été persécutés par Bachar al-Assad se reporteraient pour soutenir Daesh», a fait valoir le ministre. «C'est évidemment ce qu'il faut éviter.»
«Notre position est connue et s'inscrit dans le cadre du communiqué de Genève de 2012: notre objectif est un règlement politique négocié entre les différentes parties syriennes et conduisant à un gouvernement d'unité», a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal. «Il est clair pour nous que Bachar al-Assad ne peut s'inscrire dans un tel cadre», a-t-il indiqué, reprenant une tribune publiée fin février par les chefs de la diplomatie française et britannique, Laurent Fabius et Philip Hammond, dans laquelle ils répétaient que «Bachar al-Assad ne peut pas être l'avenir de la Syrie».
Kerry prêt à négocier avec al-Assad
Des déclarations dimanche du secrétaire d'Etat américain John Kerry ont rallumé le débat sur l'opportunité de parler avec le président syrien, mis au ban des puissances occidentales depuis le début de la guerre qui a fait 215.000 morts en quatre ans.
«Au final, il faudra négocier. Nous avons toujours été pour les négociations dans le cadre du processus (de paix) de Genève I (en 2012)», a déclaré John Kerry dans une interview diffusée sur la chaîne américaine CBS. «S'il (al-Assad) est prêt à engager des négociations sérieuses sur la façon d'appliquer Genève I, bien sûr», a répondu John Kerry lorsque la journaliste de CBS lui a demandé s'il était disposé à parler au président syrien. «Nous l'encourageons à le faire».
Une «gifle cinglante» pour la diplomatie française
«Une nouvelle fois, les Etats-Unis font preuve d'un réalisme constructif dans la recherche d'une solution politique pour mettre fin à cette guerre civile alors que la France s'enferme dans une position rigide de refus de reprendre le chemin de Damas», écrit le député des Yvelines Jacques Myard dans un communiqué: il qualifie l'annonce de John Kerry de «gifle cinglante» pour la diplomatie française.
Selon lui, Bachar al-Assad est un acteur «incontournable» de ce conflit et le refus de Paris de négocier avec le président syrien «traduit un amateurisme inquiétant» de la France, «qui campe sur des postures pseudo-morales» dans ce dossier.
En février, Jacques Myard avait effectué une visite controversée en Syrie avec trois autres parlementaires, au cours de laquelle il avait rencontré le président syrien. Ce voyage avait été vivement condamné par le gouvernement et François Hollande, les parlementaires étant accusés de mener une diplomatie parallèle.