Japon: Quatre ans après le tsunami, le transport ferroviaire reste lourdement perturbé
REPORTAGE•Dans le Nord-Est, deux gares trop proches du littoral vont être déplacées vers l'intérieur des terres...De notre envoyé spécial à Nobiru, Mathias Cena
Le quai de la gare est toujours là, avec ses bancs et ses autocollants annonçant l’interdiction de fumer. Sous le petit auvent en taule qui protégeait les voyageurs des éléments, un panneau indique encore le nom de l’arrêt: Nobiru, en idéogrammes et en alphabet. Sur ce rectangle blanc, derrière les caractères sino-japonais, le tsunami qui a submergé la gare, et une grande partie des côtes du Nord-Est japonais le 11 mars 2011, a laissé un douloureux souvenir de son passage: une ligne brunâtre à environ trois mètres du sol, qui, quatre ans après, rappelle la violence de la catastrophe.
La gare de Nobiru, située à 400 km au nord-est de Tokyo, dans la préfecture de Miyagi, a été ravagée par les flots ce jour-là, rendue particulièrement vulnérable par sa situation à 700m des côtes, quelques mètres seulement au-dessus du niveau de la mer. Des tonnes de débris métalliques, de gravats, de sédiments et de troncs d’arbres charriés par la vague que les Forces d’autodéfense japonaises ont patiemment déblayés, avec l’aide de soldats américains.
La gare de Nobiru, dans la prefecture japonaise de Miyagi
Sous le quai de Nobiru, où transitaient 500 passagers chaque jour, les rails sont toujours visibles, à demi noyés dans les herbes jaunes, mais ils ne verront plus passer de train. Tamotsu Mikami, un responsable de la reconstruction pour la compagnie de chemins de fer JR East, tend le doigt pour montrer un ouvrage en béton en haut de la colline, à environ 500 mètres. C’est là que passera désormais la ligne.
L'ancienne gare de Nobiru. - M.CENA/20 MINUTES
Pour se prémunir d’éventuelles catastrophes, les autorités ont en effet décidé de déplacer la ville vers l’intérieur des terres, à 22m au-dessus du niveau de la mer. La voie ferrée accompagne le mouvement, ce qui a nécessité des moyens colossaux et le déplacement de deux gares. «Il a aussi fallu construire deux viaducs pour élever la voie», explique Tamotsu Mikami, qui évalue le coût total de la reconstruction à 10 milliards de yens (76 millions d’euros) uniquement pour l’infrastructure. Un montant assumé par l’entreprise seule, «pour l’instant… et sans doute pour toujours», rigole-t-il.
Moins de la moitié des voies endommagées ont été remises en service
Quatre ans après le tsunami, les transports de toute la région sont encore lourdement affectés. Sur les 400 km de ligne de chemin de fer qui longeaient la mer et ont été fermés après la catastrophe, moins de la moitié (160 km) ont été remis en service. Sur la plupart des lignes du littoral du Nord-Est, des tronçons de voie ferrée sont toujours remplacés par des cars.
La ligne d'une cinquantaine de kilomètres sur laquelle se trouve la gare de Nobiru, qui accueillait 20.000 voyageurs quotidiens avant la catastrophe, est elle-même toujours coupée en deux. Des cars assurent la navette sur une section de 12 km en son milieu, en attendant la fin des travaux et sa réouverture complète prévue pour fin mai.
Sur une autre ligne plus au sud, l’obstacle à la réouverture de la voie est d’une nature différente: la ligne traversait ce qui est devenu la zone interdite de Fukushima. Un tronçon de 46 km n’est plus desservi depuis le 11 mars 2011 à proximité de la centrale nucléaire accidentée, et une éventuelle réouverture n’est actuellement pas à l’ordre du jour. Depuis fin janvier, un service de bus de substitution a néanmoins été mis en place. Il traverse sur 14 km la zone interdite, distance sur laquelle le gouvernement estime que les voyageurs, pour une traversée à 40 km/h, seront exposés à une dose de radiation de 1,2 microsieverts par heure. Et les chauffeurs seront équipés de dosimètres pour informer au besoin les passagers.