Nucléaire iranien: Netanyahou et Obama en mésentente totale
DECRYPTAGE•La visite du Premier ministre israélien aux Etats-Unis fait polémique…Vincent Vanthighem
En langage diplomatique, c’est une déclaration de guerre. Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, est en visite aux Etats-Unis, lundi et mardi, dans le but de «torpiller» l’accord sur le nucléaire iranien que Barack Obama voudrait, au contraire, boucler d’ici un mois.
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Le leader du grand parti de droite israélien, le Likoud, n’est d’ailleurs pas invité par le locataire de la Maison Blanche mais par ses opposants républicains qui sont majoritaires au Congrès. Résultat, les deux hommes ne devraient pas se croiser à Washington. 20 Minutes revient sur les enjeux de cette visite avec Thomas Snégaroff, agrégé d’histoire et professeur à Sciences Po.
Quel est le programme de la visite de Netanyahou?
Arrivé dimanche soir, Benyamin Netanyahou est en «mission historique» en terre américaine pour dire tout le mal qu’il pense du règlement qui se prépare entre les grandes puissances et l’Iran sur le dossier du programme nucléaire du régime de Téhéran (lire l’encadré). Ce lundi, il est devant les 16.000 délégués du groupe de pression American Israël Public Affaires Committee (Aipac) qui tient sa conférence annuelle.
« #AIPAC Record d'affluence attendu pour écouter #Netanyahu Seize mille personnes devraient prévu au sommet de l’AIPAC http://t.co/q6DpAMxvrQ — ELLA.VITCH (@ella_witch) March 2, 2015 »
Mardi, il doit prononcer un discours au Congrès à l’invitation du président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner. «C’est rarissime qu’un chef d’Etat étranger prononce un discours contre l’avis de la Maison Blanche, explique Thomas Snégaroff. Mais les républicains invitent qui ils veulent car ils sont majoritaires au Congrès.»
Pourquoi Netanyahou veut-il torpiller l’accord sur l’Iran?
«Cela fait des années que Netanyahou a son propre agenda pour empêcher l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire», précise Thomas Snégaroff. Le chef du Likoud estime, en effet, que l’Iran ne pourra pas s’engager dans un programme nucléaire civil sans tenter d’obtenir l’arme atomique. «Israël n’est pas engagé dans la guerre contre Daesh car il estime que la plus grande menace vient de l’Iran…» Benyamin Netanyahou n'hésite d'ailleurs pas à pointer du doigt le risque de «nouvel Holocauste».
En a-t-il vraiment les moyens?
Dès son arrivée sur le sol américain, l’équipe de Netanyahou a fait savoir qu’elle possédait «d’excellentes informations» sur le contenu «de l’accord qui est en train de sortir». C’est d’ailleurs ce qui lui permet de dire qu’il s’agit d’un «mauvais texte». «L’administration Obama craint que Netanyahou ne révèle des détails de ce plan secret, précise encore le spécialiste. Si les deux hommes ne vont pas se rencontrer, il est certain que des négociations se déroulent en coulisses pour apaiser les choses…»
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Pourquoi les relations entre Obama et Netanyahou sont glaciales?
Le chef du Likoud a toujours été un franc-tireur. En visite aux Etats-Unis en 1996, il avait choqué Bill Clinton en lui demandant de limoger son porte-parole. «Mais pour qui se prend-il? Qui est la putain de superpuissance ici?» avait alors rétorqué le locataire de la Maison Blanche.
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Avec Obama, les relations sont glaciales depuis le début. Pour une simple raison. «Le premier coup de fil qu’Obama a passé quand il est entré dans le bureau ovale en 2009 a été pour Mahmoud Abbas [le chef de l’Autorité palestinienne]. Netanyahou ne l’a jamais digéré», raconte Thomas Snégaroff.
Les élections législatives en Israël influent-elles sur la crise?
Assurément. Les Israéliens doivent voter dans deux semaines lors d’élections législatives au résultat plus qu’incertain pour Benyamin Netanyahou. L’initiative du leader du Likoud vise donc aussi à envoyer un message à son peuple. «Il ne va pas reculer mais doit faire attention aussi à la réaction des Etats-Unis.» Car il ne faut pas oublier que depuis 2009, le gouvernement Obama a octroyé plus de 22 milliards de dollars d’aide militaire à son allié israélien.