MONDEParlementaires français en Syrie: Les secrets d'une «mission personnelle»

Parlementaires français en Syrie: Les secrets d'une «mission personnelle»

MONDEQuatre parlementaires de droite et de gauche se sont rendus en Syrie, au grand dam du gouvernement…
Anne-Laëtitia Béraud

Anne-Laëtitia Béraud

Une «mission personnelle» qui a le don d’énerver le gouvernement. Quatre députés et sénateurs français, de droite et de gauche, sont en Syrie depuis mardi et ont rencontré ce mercredi le président syrien, Bachar al-Assad. Un chef d’Etat qui mène une guerre dans son pays depuis 2011 et que Paris juge infréquentable. De quoi susciter pas mal de questions sur ce séjour polémique.

Qui sont les quatre élus français en Syrie?

Il s’agit des députés Gérard Bapt (PS) - qui préside le groupe d'amitié France-Syrie à l'Assemblée nationale - et Jacques Myard (UMP), vice président. Ils sont en compagnie des sénateurs Jean-Pierre Vial (UMP), à la tête du groupe d'amitié France-Syrie au Sénat, et François Zocchetto (UDI), président du groupe UDI-UC. Ils assurent que leur voyage a été financé par leurs propres moyens. «J’ai payé mon ticket, j’ai payé mon hôtel la nuit dernière à Beyrouth», a déclaré le député Jacques Myard.

Pourquoi ce voyage est une première?

Cette visite de parlementaires français constitue une première depuis la rupture des relations diplomatiques entre la France et la Syrie, en 2012. Depuis cette date, Paris appelle au départ du pouvoir d'Al Assad. L'Etat soutient en outre l'opposition dite «modérée» au président syrien. En septembre 2013, François Hollande avait tenté en vain de réunir l’Europe sur le dossier syrien et de préparer une intervention militaire dans ce pays.

Que font ces parlementaires français avec le président syrien Bachar al-Assad?

Mystère. «Nous avons rencontré Bachar al-Assad pendant une bonne heure. Ça s'est très bien passé», a indiqué ce mercredi Jacques Myard à l’AFP, tout en refusant de préciser la teneur des échanges. «Nous ferons rapport à qui de droit», a-t-il dit. La présidence syrienne a peu après publié un cliché de cette rencontre.

« الرئيس #الأسد يستقبل وفداً فرنسياً برئاسة عضو مجلس الشيوخ الفرنسي السيد جان بيير فيال. pic.twitter.com/YvKZ2L8jDu — Syrian Presidency (@Presidency_Sy) February 25, 2015 »

Mardi, ce même député avait affirmé que ce déplacement est «une mission personnelle pour voir ce qui se passe, entendre, écouter. Ensuite, nous en tirerons des informations.»

Selon une source gouvernementale à Damas, les Français ont été reçus mardi par le vice-ministre syrien des Affaires Etrangères, Fayçal Moqdad. D’après Jacques Myard, les élus ont également visité un hôpital. Ce mercredi, ils devraient s'entretenir avec le chef de la diplomatie, Walid Mouallem. Ils ont dîné également avec le mufti de la République, cheikh Ahmad Hassoun. Avec ces rencontres, ils ont frayé avec le gratin du pouvoir politico-religieux fidèle à Bachar al-Assad dans le pays.

Quelles sont les réactions des autorités françaises?

Du côté du gouvernement, on goûte peu cette initiative personnelle des parlementaires avec un chef d’Etat considéré comme infréquentable. Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a indiqué ce mercredi midi que la rencontre d’élus avec le président Bachar al-Assad était «une initiative personnelle» et en «aucun cas une initiative officielle» de la France.

Même son de cloche lundi, du côté du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Alexandre Giorgini. Ce dernier avait souligné qu'«il s'agit d'une initiative de parlementaires qui, conformément au principe de séparation des pouvoirs, n'a pas été décidée en concertation avec le ministère des Affaires étrangères et du Développement international.» Une façon de dire que Laurent Fabius n’a rien à voir avec ce déplacement. «Les parlementaires concernés ne sont porteurs d'aucun message officiel», avait précisé Alexandre Giorgini.

Même parmi les parlementaires, le séjour syrien est diversement apprécié:

« Je ne suis pas à Damas parce que je savais qu'Assad nous piégerait en nous rencontrant, cherchant une reconnaissance officielle de la France — Alain Marsaud (@AlMarsaud) February 25, 2015 »

Pourquoi ce déplacement fait-il enrager le gouvernement?

Les autorités insistent sur cette «initiative personnelle» pour mieux se démarquer des parlementaires. Car, pour le gouvernement, un changement des rapports diplomatiques avec le président syrien n'est pas à l'ordre du jour. Par ailleurs, elles se méfient de ces parlementaires qui parfois prennent le risque de mener une action parallèle à celle des services de l'État. C'était notamment le cas lors de l'affaire Julia, du nom du député Didier Julia, en 2004, qui était intervenu dans des négociations concernant des prises d'otages de journalistes français en Irak.