Los Angeles, la «capitale» américaine des SDF, compte ses sans-abris

Los Angeles, la «capitale» américaine des SDF, compte ses sans-abris

"On ne s'approche pas d'eux, on essaie de ne pas les déranger ...
Un sans-abris dans les rues de Los Angeles, le 29 janvier 2015
Un sans-abris dans les rues de Los Angeles, le 29 janvier 2015 - Frédéric J. Brown AFP
© 2015 AFP

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«On ne s'approche pas d'eux, on essaie de ne pas les déranger car beaucoup dorment déjà», explique Ana Alvarez, bloc-note en main, en arpentant les rues de Skid Row, quartier de Los Angeles tristement célèbre pour être la «capitale» américaine des sans-abris.

Comme tous les deux ans, Los Angeles compte ses SDF à la nuit tombée. Quartier par quartier, tente par tente, une silhouette recroquevillée à même le sol après l'autre.

«C'est important de savoir combien de personnes vivent ici pour évaluer les aides et ressources nécessaires», poursuit Latoya Hawthorne, qui travaille dans un centre d'aide aux femmes sans-abris et participe à ce recensement nocturne.

Lors du dernier comptage en 2013, environ 39.500 sans-domicile fixe avaient été recensés à Los Angeles. Si l'on élargit aux personnes qui campent ou dorment chez quelqu'un, le chiffre bondit à 60.000.

Selon les estimations courantes, environ 3.000 personnes dormiraient dans les rues souillées de détritus et d'urine de Skid Row, leurs abris en carton, toile ou plastique serrés les uns contre les autres.

«On a compté 24 personnes, heureusement nous n'avons pas vu d'enfants ou d'adolescents», souligne Harry Batt, l'un des milliers de bénévoles recrutés pour sonder un périmètre donné.

«Beaucoup de sans-abris ont des problèmes mentaux, les gens ne sont pas en sécurité ici. C'est déprimant de voir ça», ajoute-t-il.

- Les anciens combattants, une priorité -

Quelques pâtés de maison plus loin, le secrétaire américain aux Anciens combattants Robert McDonald marche d'un pas vif, ajoutant un bâtonnet sur son bloc-note à chaque fois qu'il croise un sans-abris ou qu'il voit une tente.

Sa présence témoigne de la volonté de l'administration Obama de s'atteler, à coup de milliards de dollars, au problème de logement pour les anciens combattants tombés dans l'extrême pauvreté.

Sur environ 630.000 SDF aux Etats-Unis, selon des chiffres du ministère américain du Logement, près de 50.000 sont des anciens combattants.

Doran Mateik, une infirmière qui fait régulièrement du bénévolat à Skid Row, guide Robert McDonald et son équipe, plan en main.

«Je viens ici depuis sept ans, j'essaie de nouer des relations avec les SDF, de voir comment je peux les aider. Certains sont devenus des amis. Je leur donne mon adresse pour qu'il puissent recevoir du courrier, ou je les aide à faire leurs démarches», raconte cette jeune femme aux cheveux longs bouclés.

Au détour d'une rue, le secrétaire s'arrête devant un homme noir à lunettes, grand et mince, debout à côté d'un chariot contenant ses possessions. «Vous êtes un ancien combattant? Moi aussi! Vous avez quel âge? 63 ans? J'en ai 61 ans! Est-ce que vous recevez l'aide dont vous avez besoin?», lui dit-il, devant des caméras de journalistes.

L'homme refuse de donner son nom, affirme être en bonne santé. Une femme de l'entourage du secrétaire lui donne une carte de visite pour contacter des services de psychologues offerts aux anciens membres de l'armée. «Je n'ai pas l'intention de me suicider», décline-t-il poliment. Elle l'invite à venir la voir au département des anciens combattants. «Nous voulons vous aider», insiste-t-elle.

Le gouvernement affirme que depuis 2010 le nombre d'ancien combattants sans abris est en baisse de 33%. La plupart sont âgés de plus de 50 ans et ont donc servi au Vietnam ou lors de la première guerre d'Irak, mais pas les guerres de l'après-11 septembre 2001.

Alors que Robert McDonald et son entourage terminent le périmètre qui leur a été attribué, un sans-abris assis par terre devant sa tente interroge en grommelant «pourquoi tous ces gens viennent la nuit? Pourquoi ils ne viennent pas le jour? Ils me font peur».

Ana Alvarez souligne que le comptage, dont les résultats seront connus en avril, a lieu la nuit car pendant la journée les gens se déplacent et «en plus ils n'ont pas le droit de s'asseoir dans la rue».

«C'est très bien qu'ils comptent, le problème c'est qu'ils ne foutent que dalle avec ces chiffres», s'énerve le «General Dogon», un ex-SDF devenu militant des droits des sans-abris dans l'association LA CAN.

«Je ne vois pas moins de gens dans la rue, je ne vois que des policiers en plus», se plaint-il à propos de l'action des autorités locales.