TEMOIGNAGEGrèce: «Les Grecs ne sont pas devenus des gauchistes radicaux en deux ans»

Grèce: «Les Grecs ne sont pas devenus des gauchistes radicaux en deux ans»

TEMOIGNAGENatalia, une traductrice grecque de 34 ans, livre ses impressions sur la prise de pouvoir de Syriza...
TOPSHOTS Alexis Tsipras salue la foule après la proclamation de la victoire du parti de gauche Syriza, le 25 janvier à Athènes
TOPSHOTS Alexis Tsipras salue la foule après la proclamation de la victoire du parti de gauche Syriza, le 25 janvier à Athènes - Aris Messinis AFP
Nicolas Beunaiche

Propos recueillis par Nicolas Beunaiche

Dimanche, Natalia n’a pas voté Syriza. Mais la victoire du parti d’Alexis Tsipras n’a pas pour autant laissé de marbre cette traductrice de 34 ans, qui se définit comme une «gauchiste pragmatique». Depuis Athènes, elle livre ses impressions sur ce tournant dans la politique grecque :

«Dimanche, je me suis décidée au dernier moment. Avant d’aller voter, j’avais entendu parler de sondages sortie des urnes disant que Syriza était bien parti pour former un gouvernement seul. Or je préfère justement un gouvernement de coalition, parce que cela permet à différentes opinions de s’exprimer et aux compromis de se former. J’avais donc exclu de mes options Syriza, pour la raison que je viens d’évoquer, et Nouvelle Démocratie, parce que je crois qu’ils ont échoué à mettre en œuvre des réformes structurelles assurant un réel développement. Comme je ne pourrais jamais voter pour un parti d’extrême droite, le choix était restreint. J’ai voté pour To Potami (La Rivière), un parti modéré.

»Désormais, je suis très curieuse de voir comment les choses vont évoluer ces deux prochains mois. Avoir un vrai gouvernement de gauche en Grèce, qui ne soit pas socialiste de centre-gauche, est un choix très «imaginatif» de la part de l’électorat. C’est la première fois pour la gauche grecque et cela signifie beaucoup pour mon pays. On en a vu un aperçu lors de la cérémonie d’investiture de Tsipras: c’est le premier chef de gouvernement que je vois prêter serment politiquement, et pas religieusement. La sémantique est très importante, compte tenu des interconnexions historiques entre l’Etat grec et la religion.

«Ce qui se passe ici n’est pas une “révolution”.»

»La coalition Syriza-Grecs indépendants est toutefois très étrange. D’abord parce que Syriza a beaucoup de sièges par rapport au second, et puis parce que les Grecs indépendants sont trop à droite. C’est ironique et contradictoire! J’espère quand même un changement de mentalité, une approche plus humaine, pensée pour la population. Je souhaite que Syriza abandonne sa vision populiste pré-électorale et se mette au travail. Je ne comprends pas bien ce qu’ils veulent faire… Cela ne me semble pas réaliste. Par exemple, augmenter les pensions, c’est bien, mais est-ce que c’est faisable?

»Ce qui se passe ici n’est pas une “révolution”. Le gouvernement a certes changé, mais il faut plus à une société pour changer. Le problème de la Grèce n’est pas que financier, il est bien plus profond et les solutions ne nous seront pas servies sur un plateau d’argent. Je pense que les Grecs voulaient envoyer un message de protestation, de déception, de réaction à l’égard de l’austérité. Ils veulent espérer. Je ne crois pas qu’ils soient devenus des gauchistes radicaux en deux ans.»