Grèce: Alexis Tsipras face au casse-tête de l’aide européenne
ELECTIONS•Le nouveau Premier ministre est confronté à de nombreuses contradictions...N.Beu.
L'essentiel
- Alexis Tsipras a promis au peuple grec de renégocier la dette de l'Etat et de mettre en oeuvre un programme très social
- Le nouveau Premier ministre aura toutefois besoin d'une aide financière extérieure
- L'Europe et le FMI ont conditionné leur soutien à des réformes structurelles
Le petit parti qui montait a fini par atteindre le sommet. Dimanche, Syriza a remporté assez largement les législatives grecques, manquant de justesse la majorité absolue. Ces prochains jours, son leader Alexis Tsipras, nommé Premier ministre, devra donc composer son gouvernement en y intégrant des ministres des Grecs indépendants, le nouveau partenaire de Syriza. Mais à plus long terme, il devra surtout relever plusieurs défis économiques et résoudre certaines contradictions.
En Grèce, mais aussi hors des frontières du pays, Alexis Tsipras se sait attendu sur la question de la dette. Dès dimanche, le leader de la gauche radicale a donc annoncé qu'il souhaitait négocier avec ses partenaires extérieurs une solution «bénéficiant à tous», donnant ainsi le coup d’envoi d’un marathon qui devrait commencer tambour battant. «Cette négociation ne se fera évidemment pas en un jour, mais les prochaines semaines seront déjà cruciales», avertit Jésus Castillo, analyste chez Natixis, qui s’attend à un «jeu politique serré».
«Sa marge de manœuvre est extrêmement mince»
A la mi-mars, Athènes devra déjà faire face au remboursement d’environ 4,5 milliards d’euros dus au FMI, tandis que les échéances des obligations détenues par la BCE sont prévues pour juillet (3,5 milliards d’euros) et août (3,2 milliards). Entre-temps, Alexis Tsipras devra donc trouver des alliés dans la zone euro pour faire bouger les lignes et espérer voir le poids de la dette de l’Etat s’alléger.
Ces prochaines semaines, l’exécutif aura également pour tâche de trouver des liquidités permettant d’assurer le fonctionnement de l’Etat. «C’est le nerf de la guerre», selon Jésus Castillo, qui explique qu’il y a urgence. Le tout est «de savoir jusqu’à quand la Grèce peut tenir en termes de trésorerie», a averti Michel Sapin. «Est-ce que la Grèce est capable, fin mars, de payer ses fonctionnaires?» s’est-il interrogé. Si la réponse devait être négative, un refinancement s’imposerait logiquement. Or «la marge de manœuvre de Tsipras est extrêmement mince, analyse Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas. L’Etat étant incapable de se financer de matière autonome sur les marchés financiers, il a besoin d’une aide extérieure.» En plein de bras de fer avec l’Europe, Tsipras se retrouverait donc à tendre son autre bras en direction de ses partenaires…
Dès mi-février, «il devra trouver un compromis avec ses partenaires pour obtenir le versement de la dernière tranche d’aides prévue par le FESF (1,8 milliard d’euros) et le FMI (3,5 milliards)», indique Thibault Mercier. Or «rien n’est acquis, puisque le programme d’aides est conditionnel», ajoute-t-il; autrement dit, l’accord dépendra des mesures que s’engagera à prendre l’Etat grec.
Un plan de relance dispendieux
Optimiste, l’un des économistes du parti, Georges Stathakis, compte sur la lutte contre la fraude fiscale pour remplir la colonne des recettes. «C’est une piste intéressante, reconnaît Thibault Mercier. Avec la lutte contre la corruption et l’efficacité de la fonction publique, l’effort pour éliminer l’évasion fiscale fait justement partie de la zone de compromis possible avec les Européens.» Mais pour parvenir à relancer l’économie grecque, Syriza mise également sur la mise en œuvre de son programme d’aide aux plus pauvres, qui fait bien moins consensus chez les partisans de l'austérité. Selon le parti, la hausse du salaire minimum apporterait par exemple à elle seule 0,5 point de croissance, par le biais de la hausse de la consommation et des recettes fiscales.
Le pari est risqué, d’autant que le plan de relance de Syriza comprend de nombreuses mesures dispendieuses telles que la suppression de taxes jugées injustes, l’instauration d’un 13e mois pour les retraites de moins de 700 euros, ou encore l’électricité gratuite et des coupons alimentaires pour les plus démunis. Elu en grande partie sur ces promesses, Alexis Tsipras sait que le peuple grec ne comprendrait pas qu’elles ne soient pas tenues. Malheureusement pour lui, l’Europe n’accepterait pas le contraire non plus.