Piratage de Sony: Quelles réponses pour les Etats-Unis?
POLEMIQUE•Le président américain a promis des ripostes après le piratage dont a été victime Sony, mais la situation particulière du régime nord-coréen le permet-elle?...20 Minutes avec AFP
Le président américain Barack Obama a promis vendredi de punir Pyongyang d'avoir piraté le studio de cinéma Sony Pictures. Oui mais voilà, l'économie nord-coréenne déjà exsangue limite les options de Washington qui craint d'envenimer une situation diplomatique des plus houleuses.
Mercredi, Sony Pictures a annulé à la suite de menaces de pirates informatiques la sortie prévue pour Noël de L'interview qui tue!, comédie parodique sur un complot fictif de la CIA pour tuer le leader nord-coréen Kim Jong-un.
Le gouvernement américain a désigné comme l'auteur de ce piratage massif Pyongyang, qui continue de nier en être le commanditaire.
«Des options de répliques secrètes»
Ce piratage, l'un des plus importants jamais subi par une entreprise aux Etats-Unis, a dévasté le système informatique de Sony Pictures, dérobé et diffusé sur Internet les données confidentielles de 47.000 employés et tiers du studio, y compris de célébrités, diffusé des mails embarrassants, et mis en ligne 5 films du studio dont certains pas encore sortis.
Personne ne s'attend pour autant à ce que Washington lance des frappes militaires contre un provocateur équipé de l'arme nucléaire.
En outre, de possibles sanctions contre le régime communiste à l'économie déjà anémique, ou des attaques Internet contre son réseau délabré ne mèneraient pas à grand chose.
«Je suis sûr qu'ils étudient des options de répliques secrètes en gardant en tête qu'on ne veut pas lancer un conflit armé sur la péninsule coréenne», a remarqué James Lewis, expert en cyber-conflits du centre de réflexion CSIS.
Un comportement imprévisible
Le piratage a outré les parlementaires américains, le sénateur républicain John McCain dénonçant un «acte de guerre», et a déclenché des appels pour instaurer des sanctions contre la Corée du Nord et désigner à nouveau le pays comme un Etat terroriste.
L'ex-président américain George W. Bush avait retiré la Corée du Nord de la liste des Etats considérés comme terroristes en 2008 dans l'espoir d'encourager des discussions pour suspendre les menaces de déploiement d'armes nucléaires de Pyongyang.
Mais la Corée du Nord a conservé un comportement imprévisible... Et reste techniquement en guerre avec les Etats-Unis en l'absence de traité de paix pour mettre fin à leur conflit de 1950-1953.
«La Corée du Nord a un autre avantage: elle n'a pas vraiment d'économie», poursuit James Lewis, un ancien conseiller gouvernemental.
Une arme bon marché
La police fédérale américaine (FBI) a expliqué vendredi que le piratage de Sony avait été attribué à la Corée du Nord notamment grâce à la similarité avec des attaques qui avaient été lancées l'an dernier contre des banques et médias sud-coréens.
Le codage du virus informatique qui a dévasté Sony Pictures est une version adaptée spécifiquement au studio de cinéma du programme viral «Destover», utilisé lors du piratage de banques sud-coréennes, qui avaient elles-mêmes été tracées en direction du nord de la péninsule.
«La Corée du Nord est scrutée depuis des années pour avoir tenté de développer ses capacités de cyber-conflits», assure Tim Stevens, qui enseigne au département d'études militaires du King's College de Londres.
«C'est une arme relativement bon marché. Selon certaines informations, (la Corée du Nord) a déployé une unité de pirates informatiques depuis la Chine avec au moins le consentement tacite de» Pékin, ajoute-t-il.
«Une stratégie gagnant-gagnant pour Pyongyang»
Le président Obama a toutefois déclaré qu'il n'y avait pas de preuve que Pyongyang ait reçu l'assistance d'un autre pays pour monter son attaque contre Sony.
«Ce qui est intéressant là-dedans, c'est que si la Corée du Nord acquiert une forte capacité de mener des attaques, ce sera plus facile pour eux de les lancer que pour les pays visés de répliquer», poursuit Stevens.
«Leurs infrastructures Internet sont si rudimentaires qu'il serait difficile de leur causer de réels dommages. C'est donc une stratégie gagnant-gagnant pour Pyongyang», remarque encore Stevens.
Si certains experts minimisaient les capacités informatiques du régime communiste, Yang Moo-Jin, professeur d'études nord-coréennes de l'université de Séoul, a un historique d'offensives informatiques similaires à celle qui a touché Sony Pictures.
D'après lui, Pyongyang a entraîné des milliers de pirates informatiques dans des programmes militaires secrets ces dernières années. Les services secrets sud-coréens évaluent à au moins 3.000 personnes la cyber-armée de Pyongyang et la considère comme une menace importante.