MONDEÉtats-Unis: Les vidéos embarquées, nouvelle arme contre les violences policières?

États-Unis: Les vidéos embarquées, nouvelle arme contre les violences policières?

MONDEProposée par Barack Obama après les émeutes de Ferguson, cette solution est déjà remise en cause par la diffusion des images de la mort d'Eric Garner...
Romain Lescurieux

Romain Lescurieux

Réelle avancée technologique en faveur de la justice ou pétard mouillé? Il y a une semaine, Barack Obama a proposé d'investir 263 millions de dollars sur trois ans, pour équiper les policiers américains de caméras embarquées. «Nous avons constaté que, dans de nombreux cas, ces programmes étaient très utiles», avait alors souligné Josh Earnest, porte-parole de la Maison Blanche, en mentionnant l’attentat de Boston. Ce montant comportera un programme de 75 millions de dollars permettant de cofinancer, en partenariat avec les autorités locales, jusqu'à 50.000 caméras embarquées.

Le but: offrir plus de transparence lors de leurs interventions, alors que l'absence d'enregistrement lors du drame de Ferguson a contraint la justice à s'appuyer sur des témoignages contradictoires. Mais une récente décision semble déjà remettre en cause le système des «body cameras».

«Cette vidéo n’a pas suffi à persuader un grand jury»

En effet, un grand jury new-yorkais a décidé, mercredi 3 décembre, de ne pas renvoyer Daniel Pantaleo, agent de police, devant un tribunal pour la mort par étouffement en juillet 2014, d'un homme noir, Eric Garner. C’est le deuxième rejet de ce type en moins de quinze jours. «Après délibération sur les éléments de l'enquête qui lui a été présentée, le grand jury a trouvé qu'il n'y avait pas de cause raisonnable de voter pour une inculpation», a mentionné le procureur de Staten Island, Daniel Donovan. Pourtant, une séquence filmée de la scène existe bel et bien.

Pour Business Week, «cette vidéo n'a pas suffi à persuader [le grand jury] de renvoyer devant un tribunal l'agent qui a aidé à arrêter Garner, âgé de 43 ans et soupçonné de vendre illégalement des cigarettes». Alors, dans ce contexte, que pourront apporter de plus ces fameuses caméras, approuvées même par la principale association de défense des libertés civiles, l’ACLU (American civil liberties union)? «C’est un petit pas en faveur de la transparence, mais ça ne réglera pas les problèmes et ça ne modifiera pas profondément les décisions des grands jurys américains», explique Denis Lacorne, spécialiste de l’histoire politique des Etats-Unis au CERI (Centre d'études et de recherches internationales).

«Toujours un risque qu’elles ne soient pas branchées»

Différents systèmes sont actuellement testés dans certaines villes américaines. A Laurel, dans le Maryland, la police affirme que cette technologie a été bien reçue par la population et a fait chuter le nombre de plaintes déposées contre des officiers. A Rialto - première ville à avoir équipé la police de caméra – William Farrar, commissaire de la ville, ne cache toutefois pas auprès du Monde que le port de caméras n’aurait probablement pas évité le drame de Ferguson: «En adoptant les caméras, la police montre qu’elle n’a rien à cacher. Mais cela ne suffit pas. La transparence, la confiance et la légitimité sont des questions sur lesquelles il faut d’abord travailler».

«C’est évidemment mieux d’avoir une vidéo que rien du tout mais l’exemple de l’affaire Garner/Pantaleo prouve qu’une séquence filmée n’est qu’une preuve parmi d’autres et qu'elle n’est pas déterminante. Et ce sera pareil, même avec une vidéo filmée par la police», estime Denis Lacorne. «D’autant, qu’il y a toujours un risque que ces caméras ne fonctionnent pas au moment crucial ou qu’elles ne soient pas branchées». En l’occurrence, cet aspect n’est pas obligatoire dans la plupart des «villes tests».