Le commandant du Concordia donne sa version très personnelle du naufrage
L'ex-capitaine Francesco Schettino a raconté minute par minute mardi à son procès les circonstances ayant précédé le naufrage du paquebot Concordia en janvier 2012, s'efforçant d'apparaître comme un commandant mal informé par son équipage.© 2014 AFP
L'ex-capitaine Francesco Schettino a raconté minute par minute mardi à son procès les circonstances ayant précédé le naufrage du paquebot Concordia en janvier 2012, s'efforçant d'apparaître comme un commandant mal informé par son équipage.
«Personne ne m'a rien dit», a répété à plusieurs reprises l'ex-capitaine, répondant pour la première fois aux questions du procureur, Alessandro Leopizzi, depuis l'ouverture de son procès en juillet 2013 à Grosseto (Toscane).
En marge de l'audience, un autre procureur, Francesco Verusio, a déclaré à l'agence de presse Ansa qu'il envisageait de requérir plus de 20 ans de prison contre l'ancien capitaine.
Francesco Schettino, 54 ans, voué aux gémonies pour avoir abandonné son navire en train de couler, et ses 4.200 passagers et membres d'équipage dont 32 sont morts, n'a rien lâché.
Il a certes reconnu être le premier responsable en tant que commandant du navire, mais sa ligne de défense n'a pas varié en dépit d'une reconstitution minutieuse des instants ayant précédé le drame le 13 janvier 2012 à 21H45.
Les enregistrements effectués sur la passerelle, diffusés mardi au procès, témoignent de manière saisissante des circonstances du naufrage, provoqué, a reconnu Schettino, par la volonté de raser l'île de Giglio, au large de la Toscane.
L'ex-commandant a ainsi raconté être remonté du restaurant vers 21H30 pour assister à cette manoeuvre, sans volonté établie d'en prendre le commandement.
Il s'agissait selon lui de faire plaisir à des membres d'équipage de Costa Croisières, armateur du Concordia, originaires de l'île, et non d'impressionner une danseuse moldave, Domnica Cemortan, qui a affirmé qu'elle était alors sa maîtresse et qui se trouvait ce soir-là sur la passerelle.
Dès son arrivée, il ordonne que le pilote automatique soit désactivé. Il parle au téléphone avec un commandant de Costa originaire de l'île, lui demandant en passant s'«il y a de l'eau» à moins de 0,3 mille des côtes.
Pour le procureur, c'est la preuve qu'il comptait bien se rapprocher au plus près de l'île, alors que la route définie restait à 0,5 mille.
«J'ai dit ça, comme ça, pour faire la conversation», s'est défendu l'ex-capitaine, qui a alors pris le commandement de façon formelle.
- 4 minutes de retard -
«J'ai regardé le radar de manière fugace», a-t-il assuré. Pour lui, il n'y a alors aucun doute, le paquebot de 115.000 tonnes est sur la route qui a été tracée, décidée et acceptée par tout l'équipage.
«Si à ce moment-là, ils avaient un doute, ils devaient me le dire», a-t-il expliqué, soulignant que les autres officiers de quart étaient devant les mêmes écrans radars que lui.
Pourtant, le bateau était clairement hors de sa route, assure le procureur.
Oui, il avait «quatre minutes de retard» sur la manoeuvre indispensable de virement vers tribord, qui devait lui éviter de percuter l'île, a reconnu l'ex-commandant. Mais il n'en savait alors rien.
«Mais le radar, vous l'avez à nouveau regardé», interroge à plusieurs reprises le procureur. Oui, mais «sommairement», reconnaît-il.
Pourquoi s'inquiéter, «puisque j'étais sûr d'appliquer le plan de route qui avait été décidé. C'est ça la vérité», s'est-il défendu, pressé de questions par le procureur. Et s'il a semblé parfois nerveux, il n'a jamais rien lâché, répondant dans une langue souvent fleurie d'expressions napolitaines.
Apercevant les feux d'entrée du port de Giglio avec ses jumelles, il ordonne plusieurs fois de modifier légèrement le cap, affirmant en anglais «otherwise, we go on the rocks» («sinon on va sur les cailloux»), selon l'enregistrement.
Ce qui ne l'empêche pas de s'approcher alors du bastingage pour scruter la mer. Apercevant de l'écume, signe de la présence d'un rocher. Même si personne autour de lui ne signale de danger, il décide une «manoeuvre d'évitement».
Trop tard, à 21H45 c'est l'impact.
«Madonna, qu'est-ce que j'ai fabriqué», s'écrie alors le capitaine.
Le procureur a ensuite tenté de démontrer que Schettino avait perdu de précieuses minutes avant de déclencher un plan d'évacuation, alors même que le navire avait déjà deux compartiments noyés et qu'il était prêt de perdre toute flottaison.
L'ex-capitaine s'en est fermement défendu, assurant avoir donné l'ordre au moment opportun.
L'audience s'est terminée peu après 18H00 (17H00 GMT) et doit reprendre mercredi matin.