Dans la Rome éternelle, un musée «de l'ailleurs» qui revendique la marginalité

Dans la Rome éternelle, un musée «de l'ailleurs» qui revendique la marginalité

Situé dans un coin de Rome où les touristes ne s'aventurent guère, le Musée des Autres et de l'Ailleurs de Metropoliz (MAAM), revendique la marginalité, jusque dans ses murs, ceux d'une usine occupée où les "gardiens" sont des sans-abri.
© 2014 AFP

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Situé dans un coin de Rome où les touristes ne s'aventurent guère, le Musée des Autres et de l'Ailleurs de Metropoliz (MAAM), revendique la marginalité, jusque dans ses murs, ceux d'une usine occupée où les «gardiens» sont des sans-abri.

«La police peut débarquer demain et expulser tout le monde», explique Giorgio de Finis, créateur de ce projet unique, de plus en plus considéré comme l'un des espaces d'art les plus innovants de la ville éternelle.

Du 28 novembre au 6 décembre le MAAM accueille «Iron and fire» (fer et feu), une exposition de l'artiste italien Paolo Buggiani, contemporain d'Andy Wharol, qui dans les années 70 et 80 faisait partie de la scène new-yorkaise du pop art.

Mais les visiteurs devront attendre le samedi, seul jour d'ouverture de ce musée, qui revendique sa différence avec les autres musées d'art contemporain de la capitale comme le MAXXI ou le MACRO.

Le MAAM, implanté dans une ancienne usine de salamis dans l'est délaissé de la capitale italienne, se situe résolument à la périphérie, tant du point de vue géographique que culturel.

Situé à deux pas du quartier de Tor Sapienza, où la population locale s'est révoltée contre un centre d'accueil de migrants, il est aussi résidence pour quelque 200 personnes, Italiens, Roms et migrants de toutes nationalités, dont une cinquantaine d'enfants.

Le MAAM a beaucoup évolué au cours des cinq dernières années, pour devenir aujourd'hui, explique son créateur, une sorte d'oeuvre d'art vivante, centrée sur le quotidien en mouvement de ses résidents, artistes et «squatteurs», et de leur avenir incertain.

Un résultat obtenu avec l'aide de centaines d'artistes, intrigués par la vision de Giorgio De Finis, anthropologue fasciné par l'urbain et réalisateur de films documentaires sur l'architecture et la ville.

Les artistes de rue ont été les premiers à investir les lieux, vite suivis par un flux croissant d'artistes contemporains de tout bord, dont certains à la réputation déjà faite, comme Buggiani, aujourd'hui âgé de 81 ans. Tous travaillent gratuitement.

«Si un seul euro change de mains, la totalité du projet s'effondre», insiste son créateur.

- «Une histoire sans fin» -

«Pour le moment, c'est une histoire sans fin», explique De Finis, en faisant avec l'AFP le tour des oeuvres d'art du musée, toutes imbriquées dans les espaces de vie de ses «gardiens».

«Je peux imaginer trois issues à ce projet: les propriétaires envoient la police et font tout fermer, ils décident de se réapproprier le lieu avec tout ce qu'il contient maintenant, ou il meurt de sa belle mort avec l'accord de tous», explique-t-il.

Heureusement, dit-il, la première solution est peu probable, les autorités ne voulant pas être accusées d'avoir vandalisé un projet culturel qui rassemble le travail d'artistes contemporains parfois très connus.

Occupé d'abord en 2009 par BPM, un groupe radical défendant le droit au logement, après la vente de l'usine à un promoteur, le bâtiment est partiellement en ruines.

Mais cette fragilité a aussi contribué à la cohésion de tout l'ensemble, grâce au travail des artistes, venus «réparer» les lieux en ayant souvent recours aux matériaux sur place.

Un ascenseur hors d'usage est par exemple utilisé par l'artiste visuel Michele Welke pour une oeuvre métaphorique sur le rôle de l'argent dans l'art et dans l'élévation sociale.

Une autre salle, utilisée autrefois pour écorcher les carcasses de porc, est maintenant le lieu d'une gigantesque peinture murale, oeuvre de deux peintres espagnols, Pablo Mesa Capella et Gonzalo Orquin.

Intitulé E-MAAMCIPAZIONE, on y voit une série de cochons pendus, les deux derniers parvenant à s'échapper.

Plus loin, les cages autrefois utilisées pour enfermer les animaux, servent d'installation à l'artiste allemande Susanne Kessler, pour une oeuvre baptisée «Guantanamo».

Mustapha Labiki, Marocain et résident du musée, est ravi de cette cohabitation avec les artistes et de ce capharnaüm. «Cet endroit attire toutes sortes de gens. Il y a toujours quelque chose qui s'y passe, quelqu'un à qui parler. Et ça, c'est très positif, particulièrement pour les adolescents, ça les aide à ne pas trainer dans la rue», explique-t-il.

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