INTERVIEWScolarisation des enfants roms: «Mon parcours sert parfois d’exemple, notamment pour les filles»

Scolarisation des enfants roms: «Mon parcours sert parfois d’exemple, notamment pour les filles»

INTERVIEWClaudia Roman, qui appartient à la communauté rom, raconte comment elle est devenue enseignante dans un petit village de Roumanie...
Bérénice Dubuc

Propos recueillis par Bérénice Dubuc

A l’occasion des 25 ans de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), adoptée par l’ONU le 20 novembre 1989, 20 Minutes en partenariat avec l’Unicef France dévoile les progrès réalisés et ceux qui restent à accomplir pour faire respecter ces droits fondamentaux.

En Roumanie, 21% des adultes roms ne sont jamais allés à l’école, contre 0,8% pour les non-roms, selon les chiffres de l’Unicef dans le pays. A ce titre, Claudia Roman, qui appartient à la communauté rom, est une exception. Non seulement elle a bénéficié d’un enseignement secondaire, mais elle enseigne également aujourd’hui la langue romani (mais aussi les traditions et coutumes roms) à l’école de Fantanele, petit village à une trentaine de kilomètres de Bucarest.

Comment êtes-vous devenue enseignante?

Après avoir fini le lycée, j’ai suivi des cours à l’université, en sciences de l’éducation. Je me suis mariée à 20 ans. Je ne suis pas née à Fantanele, mais je suis venue y vivre quand je me suis mariée. Avec l’accord de mon mari, qui n’y a jamais été opposé, et grâce à mes beaux-parents, qui sont des gens extraordinaires et qui m’ont encouragée, j’ai réussi à briser le cadre. Mon beau-père s’est dit: «Pourquoi ma belle-fille ne poursuivrait pas ses études?». C’est ce que j’ai fait. Je suis actuellement en troisième année à la faculté de langues et littératures étrangères, spécialisation roumain/romani, et j’enseigne ici en parallèle.

Vos parents considéraient qu’il était normal d’envoyer leurs enfants à l’école?

Tout à fait. Mes parents ont toujours soutenu ma scolarisation, comme celle de mes trois sœurs. Mais ce qui a surtout joué pour moi, c’est d’être née et d’avoir grandi en ville, dans la commune de Mizil, majoritairement peuplée de Roumains. Nous avons été facilement intégrées et il était naturel que nous allions nous aussi à l’école, comme les enfants des autres communautés. Nous sommes d’ailleurs aujourd’hui toutes impliquées dans l’enseignement des traditions Roms, et nous avons eu la même démarche pour nos enfants: j’ai deux enfants, qui sont tous les deux étudiants en sport, et deux de mes nièces sont étudiantes en droit.

Votre expérience vous aide-t-elle à empêcher des élèves de quitter le système scolaire?

Tout à fait. Mon parcours sert parfois d’exemple, notamment pour les filles, qui souvent arrêtent l’école pour s’occuper de leurs frères et sœurs plus jeunes, pour aider leur mère. Je suis ainsi très fière des très bons résultats que nous avons obtenus cette année au concours national, et j’ai même une élève, à qui j’ai servi de mentor, qui est devenue à son tour enseignante de langue romani.

Mais ce qui nous permet surtout d’empêcher le décrochage scolaire des enfants roms, c’est que nous collaborons étroitement entre enseignants: dès que l’un de nous organise une réunion avec les parents, les autres viennent aussi, et nous sommes tous très impliqués dans l’initiative «Let’s go to school» portée par l’Unicef. Et mon mari, Marian, est le médiateur scolaire de l’école, il va dans les familles pour convaincre les enfants de venir en classe et leurs parents de les laisser faire.