Allemagne: la gauche radicale s'apprête à prendre la tête d'un Land, une première

Allemagne: la gauche radicale s'apprête à prendre la tête d'un Land, une première

Un responsable de la gauche radicale Die Linke, héritière du parti communiste d'ex-RDA, s'apprête à briser un tabou en dirigeant pour la première fois un Etat régional allemand, 25 ans après la chute du Mur de Berlin.
© 2014 AFP

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Un responsable de la gauche radicale Die Linke, héritière du parti communiste d'ex-RDA, s'apprête à briser un tabou en dirigeant pour la première fois un Etat régional allemand, 25 ans après la chute du Mur de Berlin.

En milieu de semaine, l'ancien syndicaliste Bodo Ramelow, 58 ans, doit conclure un contrat de coalition gouvernementale en Thuringe avec les sociaux-démocrates (SPD) et les Verts. Sauf accident, il deviendra le premier chef de gouvernement d'un Etat fédéré allemand issu de Die Linke, lors d'un vote au parlement régional le 5 décembre.

Cette perspective a échauffé les esprits dans un pays encore marqué par la dictature communiste, jusqu'à susciter la réprobation du président de la République, Joachim Gauck, et de la chancelière Angela Merkel. Même si Die Linke, qui rassemble traditionnellement de nombreux suffrages à l'Est, a déjà participé à des gouvernements régionaux, comme actuellement dans le Brandebourg voisin.

Le 9 novembre, alors qu'on célébrait à Berlin la chute du Mur, environ 4.000 personnes se sont rassemblées à Erfurt, capitale de la Thuringe, pour dire non à Die Linke, bougie à la main comme les manifestants qui firent vaciller la RDA 25 ans plus tôt. «Stasi dehors», ont-ils scandé, en nommant la police politique d'ex-Allemagne de l'Est.

Die Linke est né en 2007 d'une alliance entre des héritiers de l'ancien parti communiste SED au pouvoir en ex-Allemagne de l'Est et des déçus du SPD en Allemagne de l'Ouest.

«Ca a été un long chemin mais nous en arrivons au point où nous pouvons écrire un nouveau chapitre politique en Thuringe», s'est réjoui Bodo Ramelow, dans une interview avec l'AFP, à quelques jours de la fin des négociations de coalition.

Lors des élections régionales du 14 septembre, Die Linke (La Gauche), était arrivée en deuxième position, avec 28,2% des voix, derrière l'Union chrétienne-démocrate (CDU), le parti de Mme Merkel (33,5%) qui dirigeait la Thuringe depuis 1990, date des premières élections libres en ex-RDA. Le SPD (12,4% des suffrages, contre 18,5 en 2009) est sorti meurtri de 5 ans de partage du pouvoir régional avec la CDU. A l'unanimité, il a décidé, comme Les Verts, de s'allier à Bodo Ramelow.

Critiquant le choix du SPD, la chancelière Angela Merkel a estimé que la prochaine coalition était «une mauvaise nouvelle» pour la Thuringe, petit Etat forestier et agricole de 2,1 millions d'habitants.

- «Projet de réconciliation» -

Plus marquant encore, le président Joachim Gauck, ancien pasteur militant des droits de l'Homme en RDA, a brisé la neutralité politique de sa fonction pour dire son inquiétude. «Les gens qui ont connu la RDA et appartiennent à ma génération doivent faire un gros effort pour accepter cela», a-t-il déclaré. «Ce parti (...) a-t-il réellement pris ses distances avec les idées au nom desquelles le SED a opprimé les gens, au point qu'on puisse lui faire pleinement confiance?», s'est-il interrogé à la télévision.

«Je ne suis pas un représentant de la RDA et mon parti n'est pas un club nostalgique qui voudrait faire renaître la RDA», répond M. Ramelow, un croyant qui a grandi à l'Ouest, dans le Land voisin de Hesse, et se voit comme un trait d'union avec l'Est. Sa coalition est «un projet de réconciliation» explique-t-il, affirmant vouloir mener «une politique régionale tout à fait pragmatique».

«Il est difficile de donner le pouvoir à un parti qui n'a pas fait le ménage dans son histoire», juge pourtant Mike Mohring, chef du groupe parlementaire CDU en Thuringe, en affirmant que Die Linke compte encore dans ses rangs d'anciens collaborateurs de la Stasi. «Cette belle région mérite autre chose que d'être le laboratoire d'un gouvernement expérimental», a-t-il dit à l'AFP.

L'alliance «Rouge-Rouge-Vert», majoritairement rejetée au niveau national, semble pourtant susciter l'adhésion en Thuringe.

Ainsi, Gernod Siering, un libraire de 39 ans rencontré à Erfurt, qui a été enfant sous le régime communiste, considère que c'est une opportunité pour aller dans «une direction qui n'était pas possible avec la CDU». «Je comprends que certains aient peur, parce qu'ils ont souffert pendant la RDA» mais, la coalition va «mener une politique réaliste», assure-t-il, avant d'ajouter: «et si quelque chose ne se passait vraiment pas bien, on a toujours la possibilité de protester».

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