VIDEO. Visite de Hollande au Canada: Montréal est-il encore un eldorado pour les Français?
MONDE•Plus de 150.000 Français ont rejoint le Québéc, mais tout n'est pas si rose...A Montréal, William Molinié
De notre envoyé spécial au Canada,
Voilà douze ans que Philippe, Québécois de 39 ans, emploie des Français dans sa maison de production et d’édition à Montréal. «Ils sont travailleurs et bossent bien», assure-t-il. Le Canada et en particulier le Québec apparaissent depuis une décennie comme une terre d’expatriation «facile». L’immigration française dans la Belle Province a connu une accélération considérable. Et spécialement à Montréal, où plus d’un Français sur deux qui s’installe au Canada, a décidé de poser ses valises.
François Hollande, qui achève ce mardi son périple canadien de trois jours au Québec va devoir défendre le maintien des privilèges des étudiants français, qui paient les mêmes droits que leurs homologues québécois et donc moins que les Canadiens des autres provinces. Remise en cause qui illustre la fin d’un eldorado pour les Français.
Aujourd’hui, plus de 100.000 Français ont émigré de façon permanente ou temporaire dans la ville. Les raisons de son attrait sont d’ordre principalement économiques. Il est effectivement assez aisé d’y décrocher un job. La qualité de vie, la francophonie et une mentalité nord-américaine ont par ailleurs séduit tous ces Français à l’assaut du grand ouest. Mais attention, l’eldorado se mérite. Et les limites à l’immigration sont de plus en plus importantes. Les échecs aussi.
Immigration choisie et assumée
«Une copine à moi est venue ici sans travail. Elle pensait décrocher un job dans la communication. Six mois plus tard, elle rentrait en France», raconte Pierre, un communiquant en free-lance venu tenter l’expérience il y a un an. Car si les Canadiens sont moins touchés par la crise, l’immigration y est clairement choisie et assumée.
Chaque année, des quotas de permis vacances-travail (PVT) d’une durée d’un an sont délivrés par le Canada. Pas un de plus. Cette année, les 6.750 places offertes se sont arrachées en moins d’une heure sur le site de l’ambassade. Véritable partie de loto en ligne… «Une fois le PVT en poche, mieux vaut arriver avec une qualification ou une spécialisation qu’ils n’ont pas ici pour espérer trouver un emploi», poursuit Pierre.
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Bon nombre de jeunes travailleurs se font aussi avoir en partant pour le Canada, par exemple, diplôme en poche, croyant arriver dans le pays et décrocher facilement un travail qualifié. Mais certains diplômes ne sont pas reconnus Outre-Atlantique. «Il faut, concernant les professions réglementées, qu’il y ait eu un arrangement de reconnaissance mutuelle entre l’ordre national au Québec et l’organisation de la profession en France», explique-t-on à la délégation générale du Québec à Paris. Ainsi, les ingénieurs doivent s’assurer que leur qualification soit bien reconnue. Les infirmiers, par exemple, doivent faire un stage non rémunéré pour valider leur cursus.
Deux semaines de vacances
Au Canada, seuls quinze jours de vacances par an sont accordés les premières années aux travailleurs. Ce qui, pour un Français habitué à ses cinq semaines, peut se révéler difficile. «En fait, on rentre chez nous. On voit la famille. Mais du coup, on voyage peu ailleurs», témoigne Camille, développeuse française de 26 ans. Toutefois, les journées de boulot sont moins longues. A 18h, la majorité des salariés sont partis. «C’est moins stressant qu’en France», nuance-t-elle.
Autre limite au Canada, le régime de santé. Mieux vaut ne pas être gravement malade, c’est une évidence. Mais même la médecine du quotidien peut s’avérer fastidieuse. «J’ai mis trois semaines pour avoir un rendez-vous chez le gynéco», raconte Cyrielle, installée à Montréal depuis plusieurs années.
Racisme «anti-Français»?
L’afflux de Français au pays des caribous est relativement bien perçu à Montréal. Mais dans les cantons de l’Est, plus nationalistes, l’expression «Maudits Français» prend tout son sens. Dans les forums de voyage sur internet, fleurissent ici et là des commentaires faisant état de «racisme anti-Français». «C’est plutôt de l’ordre de la boutade», nuance Julien, directeur artistique d’une société de publicité digitale.
«Les chiffres montrent au contraire que l’intégration des Français est réussie par rapport aux autres nationalités», souligne-t-on à la délégation générale du Québec à Paris. Philippe, le chef d’entreprise québécois, reconnaît pourtant que la situation est «arrivée à un point de saturation».