Chantage au virus Ebola: «La menace en République tchèque n’est pas crédible»
INTERVIEW•Le professeur Patrick Berche évoque la menace bioterroriste dont est victime l’Etat tchèque...Propos recueillis par Nicolas Beunaiche
L’épidémie d’Ebola inspire les criminels. En République tchèque, un ou des inconnus ont menacé les autorités de propager le virus dans le pays s’ils ne recevaient pas un million d’euros en monnaie virtuelle, a annoncé lundi soir la police tchèque. Un chantage que le chef des services de santé publique, Vladimir Valenta, a immédiatement qualifié de «pas réaliste». Le Professeur Patrick Berche, directeur de l’Institut Pasteur de Lille, réagit à cette annonce pour 20 Minutes.
Jugez-vous la menace tchèque crédible?
Non. Il faudrait déjà, pour propager le virus, parvenir à se le procurer. Or s’il est possible de l’isoler, cela nécessite des conditions de culture de haute sécurité et une forte technicité. En France, un seul laboratoire classé «P4», à Lyon, est capable de le faire. La seule manière de propager le virus serait donc de ramener un malade en Europe. Mais cela me paraît là aussi très compliqué compte tenu des contrôles sanitaires et des passeports aux frontières.
Ce type de menace bioterroriste est-il fréquent?
Aucun projet criminel de ce genre n’a eu de très grandes conséquences ces trente dernières années. Avant ses attentats au gaz sarin au Japon, qui ont tout de même fait quelques morts, la secte Aum a bien tenté en 1992 de se procurer le virus Ebola. Quarante personnes se sont rendues au Zaïre avec leur chef, mais elles n’y sont jamais arrivées. Ce groupe a aussi tenté de répandre de l’anthrax du haut d’un immeuble, à Tokyo, mais la souche en question n’était pas virulente. Et puis il y a les attaques, toujours à l’anthrax, en 2001, qui ont fait des dégâts limités.
Quel est alors le but de cette menace?
Elle vise clairement à intimider la population. On peut d’ailleurs faire le pari qu’il y en aura d’autres. Il ne faut pas se méprendre: le risque est très faible en Europe. Il faut limiter les fausses alertes qui ne manqueront pas de se multiplier avec l’arrivée de la grippe saisonnière et mettre le paquet en Afrique. La plus grande menace, c’est le mensonge des gens qui tairont le fait qu’elles reviennent de pays infectés.