TUNISIELégislatives en Tunisie: L'abstention sera-t-elle le vrai vainqueur?

Législatives en Tunisie: L'abstention sera-t-elle le vrai vainqueur?

TUNISIENombre de Tunisiens ne veulent voter ni pour le parti islamiste Ennahda, ni pour le parti laïc Nidaa Tounès...
Céline Boff

Céline Boff

Qui remportera les élections législatives en Tunisie? Ce dimanche, près de 5,3 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour élire leur première «Assemblée des représentants du peuple» depuis la Révolution de jasmin, mais les résultats ne seront pas communiqués avant lundi matin… Au mieux.

Ils pourraient même être révélés seulement à partir de jeudi. L’ISIE, l'instance chargée d'organiser les élections, a en effet jusqu’au 30 octobre pour faire état de la composition du nouveau Parlement.

Comme en 2011, les islamistes d’Ennahda sont donnés favoris. Il y a trois ans, ils avaient remporté le premier scrutin libre de l'histoire de la Tunisie face à une opposition extrêmement divisée… Et ce scénario pourrait bien se répéter cette année, Ennahda étant à nouveau le seul parti de masse organisé du pays.

Une centaine de listes laïques

Certes, il y a aussi Nidaa Tounès, le mouvement fondé par Béji Caïd Essebsi, 87 ans, ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle –elle se tiendra le 23 novembre. Ce parti hétéroclite, qui réunit des militants de gauche, des syndicalistes, des hommes d'affaires et même des membres du parti du président déchu Ben Ali, se détache très largement, mais la centaine d’autres listes laïques pourrait bien lui coûter la première place. Or, seul le vainqueur des législatives pourra former le prochain gouvernement…

«L'opposition n'a pas appris (la leçon de 2011). Il y a chez elle un manque de conscience de la sensibilité de la période actuelle et d'à quel point cet émiettement sert Ennahda», analyse pour l’AFP Khaled Abid, spécialiste de l'histoire contemporaine de la Tunisie. L’expert évoque également «le narcissisme» des leaders de l'opposition: «Chaque dirigeant de parti se voit au pouvoir».

C’est d’ailleurs ce qui exaspère nombre de Tunisiens. L’abstention pourrait d’ailleurs être le véritable vainqueur de ces premières législatives. Si de longues queues se sont formées dimanche à l’ouverture des bureaux de vote, l'affluence était déjà nettement moins importante à la mi-journée.

Pas seulement à cause des risques d’attentat pour lesquels 80.000 policiers et soldats ont été mobilisés. Non, ce qui retient les Tunisiens chez eux, ce sont leur désaffection pour la politique. «Le phénomène se joue à deux niveaux: d'une part, 45,3 % du corps électoral ne s'est pas inscrit sur les listes et n'ira donc pas voter. D'autre part, parmi les inscrits, 14% s'abstiendront, comme en 2011», rappelle l’hebdomadaire Jeune Afrique.

«Je ne voterais pas dans le seul but de saboter les islamistes»

Un mouvement intitulé «Rassemblement du boycott des élections 2014» a même été créé. La journaliste tunisienne Henda Chennaoui a rencontré plusieurs de ces «déçus de la transition», comme Amine, un jeune ingénieur. «Pourquoi voter et permettre à des non-démocrates d’accéder au pouvoir par un processus démocratique?», interroge-t-il.

Autre témoignage recueilli par Henda Chennaoui, celui de Sonia: «Je ne voterais pas dans le seul but de saboter les islamistes, car je sais très bien que tous les partis politiques, quelques soient leurs appartenances idéologiques, ne seront pas à la hauteur d’une véritable justice et d’une économie indépendante».

Presque quatre ans après le Printemps arabe et la chute de Ben Ali, le pays ne parvient pas à s’extirper du chômage -officiellement, il frappe 15,3% de la population- et de la pauvreté.