Turquie: l'armée bombarde des rebelles du PKK, le processus de paix menacé
•La Turquie a bombardé lundi des positions des rebelles kurdes ...© 2014 AFP
La Turquie a bombardé lundi des positions des rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un premier accroc armé sérieux aux pourparlers de paix lancés il y a deux ans et déjà sérieusement menacés par la guerre qui fait rage en Syrie voisine.
Quelques jours après les violentes émeutes prokurdes qui ont secoué le pays, des chasseurs F-16 de l'armée de l'air ont frappé plusieurs cibles du PKK qui, selon les forces de sécurité, ont attaqué à plusieurs reprises ces trois derniers jours un poste de police dans le village de Daglica (sud-est).
Dans la région voisine de Tunceli, des hélicoptères d'attaque turcs ont également ouvert le feu lundi contre d'autres unités du PKK, après des affrontements entre rebelles et armée signalés autour de Geyiksuyu, a ajouté l'état-major.
Dans une déclaration écrite, la branche armée du mouvement rebelle a confirmé l'attaque menée à Daglica et accusé l'armée turque d'avoir «rompu le cessez-le-feu» qu'il avait unilatéralement décrété en mars 2013.
Le Premier ministre Ahmet Davutoglu a de son côté justifié ces opérations, qu'il a qualifiées de «mesures nécessaires». «Nous ne pouvons tolérer, ni faire la moindre concession» face aux agissements du PKK, a-t-il ajouté devant la presse.
Ces incidents, les plus graves enregistrés depuis deux ans, illustrent les menaces qui pèsent sur le fragile processus de paix engagé entre Ankara et le PKK.
Cette brusque montée des tensions trouve son origine en Syrie, où l'offensive des jihadistes du groupe Etat islamique (EI) menace la ville kurde de Kobané.
En colère contre le refus du gouvernement islamo-conservateur d'Ankara de voler militairement au secours de Kobané (Aïn al-Arab en arabe), des milliers de jeunes kurdes sont descendus dans les rues de tout le pays la semaine dernière, provoquant des émeutes qui ont fait au moins 34 morts et des centaines de blessés.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a haussé le ton en condamnant l'action de «voyous» à la solde d'une «organisation terroriste», en l’occurrence le PKK, et dénoncé une tentative de «sabotage» des pourparlers qu'il a promis, lui, de sauver.
- «Montrer les muscles» -
Son principal interlocuteur, le chef emprisonné du PKK Abdullah Öcalan, a de son côté averti que la chute de Kobané signifierait de facto la mort de toute discussion et pressé Ankara de présenter avant ce mercredi un calendrier pour les relancer.
«Le PKK et le gouvernement montrent leurs muscles», a commenté à l'AFP Nihat Ali Ozcan, analyste au centre de recherches Tepav d'Ankara. «Le processus de paix va peut-être tomber à l'eau un jour mais ce jour n'est pas arrivé».
Ankara a repris à l'automne 2012 des négociations directes avec M. Öcalan pour tenter de mettre un terme à une rébellion qui a fait 40.000 morts depuis 1984.
Le PKK a décrété un cessez-le-feu en mars suivant puis commencé à retirer ses forces vers leurs bases du mont Kandil, dans le nord du territoire irakien.
Mais ce mouvement a été interrompu il y a un an, les Kurdes jugeant que le régime d'Ankara n'avait pas tenu ses promesses de réformes en faveur de leur communauté, qui compte 15 millions de personnes, 20% de la population.
Les discussions depuis étaient largement paralysées, malgré les promesses réitérées par M. Erdogan, après son élection à la présidence en août, de parvenir à une solution.
L'offensive jihadiste en Irak puis en Syrie a fait dérailler ce scénario.
Si elle a accueilli dans l'urgence sur son sol quelque 200.000 réfugiés kurdes, la Turquie s'est inquiétée des risques d'un renforcement des forces kurdes, en première ligne contre le groupe EI. Elle refuse ainsi de les laisser transiter par sa frontière pour rejoindre le front de Kobané, alimentant la suspicion et la rancœur des Kurdes.
Malgré ces tensions, Ankara a promis de tout faire pour sauver les pourparlers de paix.
«Ce processus n'est pas lié à Kobané ni à aucun événement qui se déroule hors de nos frontières», a assuré mardi M. Davutoglu. «Il est très important pour nous», a-t-il répété, «s'il vous plaît ne le sabotez pas».