INTERVIEWGrande-Bretagne: «De plus en plus de gens se disent prêts à voter Ukip aux législatives»

Grande-Bretagne: «De plus en plus de gens se disent prêts à voter Ukip aux législatives»

INTERVIEWKarine Tournier-Sol, maître de conférences en civilisation britannique à l'Université de Toulon, analyse la nouvelle victoire du parti europhobe lors de l’élection législative partielle de vendredi…
Bertrand de Volontat

Bertrand de Volontat

Ukip prend du galon outre-Manche. Cinq mois seulement après être arrivé en tête aux élections européennes (27,5%), le parti anti-immigration et europhobe Ukip a provoqué vendredi un nouveau coup de tonnerre politique au Royaume-Uni en remportant, pour la première fois de son histoire, un siège au Parlement de Westminster. Karine Tournier-Sol, maître de conférences en civilisation britannique à l'Université de Toulon, explique pourquoi ce n’est peut-être qu’un début.

Comment expliquer cette première dans l’histoire de la Grande-Bretagne?

Le candidat victorieux est un ancien conservateur qui avait une très forte majorité dans sa circonscription et ses électeurs l’ont suivi. Il est moins radical sur l’immigration que Nick Farage [actuel leader de ukip] mais il pourrait pour autant être le prochain leader du parti. Dans ces élections partielles, ce qui est à retenir est la deuxième place de Ukip juste derrière les travaillistes, à 617 voix d’écart, dans la circonscription d’Heywood pourtant acquise à ces derniers. A l’origine, Ukip devait être un club de vétérans menaçant le parti conservateur mais leur stratégie de parti populiste attrape-tout, dépassant les clivages politiques, pourrait désormais inquiéter les travaillistes aussi. Ukip reste quand même un parti de droite avec un fort potentiel électoral auprès des personnes défavorisées, votant à gauche habituellement, à l’image de Marine Le Pen.

Faut-il justement s’inquiéter d’un éventuel effet domino au niveau européen?

Ukip a des points communs avec la France et le Front National mais il ne veut pas être un parti raciste. Ses dirigeants refusent cette étiquette -malgré les déclarations ponctuelles de son leader Nigel Farage-. Ukip n’a pas non plus la même histoire que le FN en France, puisqu’au Royaume-Uni, la percée d’un tel parti reste quand même inédite. Il vient en revanche bien s’inscrire dans la montée du populisme en Europe depuis 2010. Et au-delà des victoires électorales, il exerce une vraie influence sur la politique britannique, notamment européenne. Par la menace qu’il représente sur leur électorat, Ukip a poussé les conservateurs à durcir leurs positions sur l’immigration. Et les travaillistes risquent d’en faire autant, avec en ligne de mire la promesse de référendum sur l'appartenance à l'UE de 2017 de David Cameron, pressé sur sa droite.

Peuvent-ils avoir une véritable influence?

Il y a un autre candidat ex-conservateur, qui a quitté son parti pour Ukip qui devrait gagner son élection partielle le 6 novembre. Il pourrait donc y en avoir un deuxième député Ukip à Westminster. Cela donnera une crédibilité pour les élections législatives 2015 au cours de laquelle tous les postes seront remis en cause. Ces candidats n’ont donc que quelques mois devant eux mais cela leur donne le droit de participer aux débats publics. Logiquement, ces futures élections permettent par leur mécanisme -scrutin uninominal à un tour- d’offrir une large victoire aux grands partis, les élections partielles étant davantage celles du mécontentement. Mais là, de plus en plus de gens se disent prêts à voter Ukip aux législatives.