Epidémie d’Ebola: De quoi ont besoin les ONG sur place?
DECRYPTAGE•Les personnels humanitaites attendent financements, ressources humaines et un appui international pour combattre l’épidémie...Bérénice Dubuc
«On manque de moyens, de personnel, de places, de lits. De tout.» C’est le constat inquiétant fait par Charlotte Pailliard-Turenne, une infirmière volontaire de retour du centre de soin de Médecins sans frontières (MSF) de Monrovia (Liberia).
Un coût d’au moins de 100 millions d’euros d’ici à mi-2015
Alors que la fièvre hémorragique a déjà fait 3.865 morts en Afrique, selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), arrêté au 5 octobre, MSF va donc lancer une campagne de collecte de dons pour financer ses actions. «90% de nos financements viennent de la générosité publique, indique à 20 Minutes le directeur général de MSF, Stéphane Roques. Pour agir en toute indépendance sur la crise Ebola, mais aussi sur les autres crises, où nous intervenons en parallèle (comme la RCA ou le Soudan du Sud), nous demandons à nos donateurs de poursuivre leur soutien», poursuit-il
L’ONG estime en effet que la crise Ebola va coûter au moins de 100 millions d’euros d’ici à mi-2015. Et ce chiffre pourrait être revu à la hausse. En effet, comme l’explique Joël Weiler, responsable des urgences à Médecins du monde (MDM), «il est difficile d’estimer le coût de cette crise, car, contrairement à une catastrophe naturelle ou à une crise qui arrive ponctuellement dans un pays, on ne sait pas combien de temps l’épidémie va durer, ni jusqu’où elle va se propager.»
En plus de leurs besoins de financements pour faire face aux nombreuses crises en cours (Syrie, Irak, Gaza, typhon aux Philippines…), les acteurs humanitaires ont aussi de grands besoins en ressources humaines. Cela tien notamment du fait d’un important turnover: les plus de 3.000 personnes déployées par MSF sur cette crise restent au maximum 5 à 6 semaines sur place et doivent travailler en binôme pour des raisons de sécurité. Même chose du côté de MDM, qui a récemment lancé un appel sur Twitter pour recruter des soignants.
Palier les insuffisances des systèmes de santé locaux
«Nous n’avons pas de centres de traitement et nous ne faisons pas de prise en charge médicale de patients atteints d’Ebola, mais nous devons former les équipes dans les pays touchés, même ceux qui travaillent sur les programmes de routine», explique Joël Weiler. L’ONG se prépositionne actuellement au Burkina Faso et à la frontière entre le Liberia et la Côte d’Ivoire pour préparer une éventuelle arrivée du virus, et tenter de prendre l’épidémie de cours.
Et leur mission ne se limite pas à prendre en charge les malades d’Ebola ou à faire de la prévention. Les humanitaires assurent également les soins de santé primaires dans les pays atteints par le virus. En effet, les systèmes médicaux de ces pays – déjà fragiles avant l’arrivée du virus — sont dévastés: à Monrovia, par exemple, seuls 5% des capacités d’hospitalisation fonctionnent aujourd’hui, et les personnels de santé, déjà en nombre insuffisant avant l'épidémie, sont particulièrement touchés (232 morts). En conséquence, les malades chroniques (diabète, VIH Sida, tuberculose, palu…) ont très difficilement accès aux soins.
«Pour pouvoir se consacrer à cette crise dans la crise, qui pourrait tuer bien plus de gens qu’Ebola, il faut que les Etats et les organisations internationales déploient rapidement l’aide qu’ils ont promis», martèle Stéphane Roques de MSF, qui appelle également à ce que les laboratoires travaillent ensemble et mettent leurs ressources en commun pour trouver un traitement, voire un vaccin, au plus vite. «La machine est désormais en marche, mais il faut qu’elle ne s’arrête pas en route, et même qu’elle accélère, car l’épidémie continue.»