L'univers clandestin des «maras», ces gangs d'Amérique centrale
José avait 13 ans quand il a intégré l'univers clandestin ...© 2014 AFP
José avait 13 ans quand il a intégré l'univers clandestin des «maras», ces groupes criminels ultra-violents agissant principalement en Amérique centrale composés de dizaines de milliers de jeunes gens portant leur destin tatoué sur le corps: la mort.
Ce mince garçon basané aux yeux noirs, les traits anguleux, dit, sous couvert d'une fausse identité, avoir trouvé dans la Mara Salvatrucha un «foyer». «Le gang est comme une famille», raconte-t-il à l'AFP à San Salvador, où, à 26 ans, il essaie de tirer un trait sur son passé en étudiant et en intégrant une église évangélique.
Il n'a pas tellement de tatouages, du moins visibles, mais il s'est livré au trafic de drogues, aux extorsions, aux menaces, avant de faire de la prison pour meurtre. «Quand j'étais là-dedans, je ne pensais pas que je ferais pleurer des enfants, des épouses, des mères, des pères», confie le repenti.
La mort marque le style de vie de ces tribus urbaines devenues de complexes structures du crime organisé dans le «triangle de la mort» - Honduras, Guatemala et Salvador, qui affichent des taux d'homicides records.
Les plus violentes sont la Mara Salvatrucha et le Barrio 18, organisées hiérarchiquement en cellules, qui tiennent sous leur coupe des quartiers entiers, avec leurs propres langues, règles de conduite et implacable code moral.
- Symboles -
Leurs principaux signes distinctifs sont les tatouages, dont beaucoup sont couverts de la tête aux pieds, et les graffitis agrémentés de la légende «voir, entendre et se taire».
«Ils ont leurs propres formes de communication symboliques: écrites, verbales et gestuelles, qui font partie d'une sous-culture avec des signes clairs de structure organisée», analyse pour l'AFP Jaime Martinez, directeur de l'Académie de sécurité publique du Salvador.
Les experts tentent de décoder ce qui se cache derrière ces tatouages: «18», «13» ou «MS» sont des signes d'appartenance. Les larmes noires recensent les meurtres commis, les croix, les compagnons abattus, les clowns, les joies et les tristesses, un crâne, la mort.
«Trois petits points n'importe où sur le corps représentent la vie du +pandillero+ : l'hôpital, la prison et le cimetière. Les graffitis marquent les territoires», explique un policier du Honduras sous couvert d'anonymat.
Les «willas» sont les messages clés comprenant les ordres à accomplir. Chaque homme dispose d'un alias pour s'identifier, chaque gang sa gestuelle, détaille Carlos Menocal, ex-ministre de l'Intérieur du Guatemala.
- Rituels -
«Entrer dans une +mara+ ne coûte rien, c'est en sortir qui pose problème», reprend José. «Quand quelqu'un veut lâcher, ils le recherchent pour l'abattre, pas seulement lui mais aussi ses proches», poursuit-il.
Le rite d'initiation est constitué d'une bastonnade en règle de 13 ou 18 secondes, selon les groupes, ou de l'obligation de tuer un adversaire. «Le +pandillero+ n'est pas +pandillero+ s'il n'a pas un rival, s'il n'a pas été battu et s'il n'a pas une arme pour jouer de la gâchette», commente M. Menocal.
Au sein du groupe, chacun a sa fonction (chef de cellule, guetteur, soldat...), désignée par un argot spécifique.
«Les chefs suprêmes (souvent incarcérés) continuent de commander, quelqu'un de l'extérieur les renseigne sur ce qu'il se passe. Le chef de cellule organise un +meeting+ chaque semaine pour aborder les actions et tout planifier: meurtres et extorsions. Chaque membre connaît sa mission jour par jour», témoigne José.
A force de racket et de fusillades, ces gangs ont fait fuir les habitants des quartiers, s'installant ensuite dans leurs maisons abandonnées pour vivre, organiser leurs actions ou torturer leurs rivaux.
«Chacun reçoit une solde hebdomadaire pour acheter à manger, des vêtements et verser (de l'argent) à sa famille», ajoute le jeune homme.
Également présentes, les femmes, qui doivent se tatouer le nom de leur partenaire, se dédient au racket et à la comptabilité.
Si les +pandilleros+ portaient auparavant des vêtements larges, ils s'habillent désormais plus communément, et les tatouages sont parfois plus discrets, afin de confondre la police.
«Ils sont fascinés par les pistolets 9 mm, les AK-47, les fusils 12 mm, qu'ils trouvent facilement au marché noir», explique encore l'ancien ministre de l'Intérieur du Guatemala.
Marginalisées en raison de leur pouvoir criminel, alimentées par la pauvreté, l'incompétence des pouvoirs publics et la déstructuration familiale, la Mara Salvatrucha et la Mara 18 ont surgi dans les années 80 dans les quartiers latinos de Los Angeles avant de prospérer en Amérique centrale après l'expulsion des Etats-Unis de milliers d'immigrants.
Les «maras», abréviation de «marabunta», une colonie de fourmis dévorant tout sur son passage, compteraient 100.000 membres dans ces trois pays d'Amérique centrale. Malgré les meurtres et les milliers d'incarcérations.
«Le +pandillero+ vit l'instant présent», résume José, seul survivant de sa cellule de 19 membres.