DÉCRYPTAGERéférendum en Écosse: Pas de désunion mais des conséquences politiques pour toute l’Union

Référendum en Écosse: Pas de désunion mais des conséquences politiques pour toute l’Union

DÉCRYPTAGEMalgré les divergences d’opinions suscitées par le scrutin, les spécialistes ne craignent pas de divisions dans la société écossaises, mais s’interrogent sur les promesses faites par Londres...
Bérénice Dubuc

Bérénice Dubuc

C’est non. Après une longue campagne, qui a lancé un débat politique d’une ampleur inédite en Ecosse, et un vote massivement suivi, le réveil est difficile pour les partisans de la fin de l’Union. Mais, malgré les divergences d’opinions exprimées depuis maintenant deux ans, l’accent a immédiatement été mis par les responsables politiques sur l’obligation de redevenir uni.

Le Premier ministre écossais Alex Salmond s’est ainsi exprimé sur une estrade où une banderole «One Scotland» était déployée, laissant espérer que les clivages ne perdureront pas. «Nous avons assisté à une campagne de très haute qualité, avec beaucoup de respect mutuel des deux côtés, et des engagements très fermes ont été pris pendant la campagne à respecter le scrutin quoi qu’il arrive», explique Camille Manfredi, maître de conférences en études écossaises à l’Université de Bretagne Occidentale. «Je ne suis pas inquiète sur le plan culturel et social. en revanche, sur le plan politique, tout le monde se demande comment Londres va réussir à tenir ses engagements.»

Une nouvelle phase de «devolution»...

Car, désormais, l'Ecosse attend une nouvelle phase de «devolution» (décentralisation), promise par David Cameron, ses alliés libéraux-démocrates et l'opposition travailliste. «Cette nouvelle étape, qui doit être engagée en novembre, avec des projets de lois qui pourraient être présentés au parlement d'ici la fin janvier, donnerait plus de pouvoir au Parlement écossais en matière fiscale et de contrôle de la gestion des services sociaux et notamment du service national de santé», explique Gilles Leydier, professeur de civilisation britannique à l'Université de Toulon, qui tempère toutefois: «Cette promesse est pour l’heure assez floue, et demande à être précisée.»

Mais David Cameron a martelé ce vendredi matin que son gouvernement allait «s’assurer» que les engagements pris par les trois partis unionistes soient «honorés». Le Premier ministre britannique est d’ailleurs allé plus loin dans la démarche, annonçant des mesures similaires pour les autres nations de l’Union (Angleterre, Pays de Galles et Irlande du nord). Pour Camille Manfredi, «il est parfaitement logique que Cameron associe plus de "devolution" pour l’Ecosse aux autres nations de l’Union, notamment le Pays de Galles, puisque les deux nations ont toujours demandé une évolution au même moment depuis les débuts du processus "dévolutionnaire" dans les années 1970.»

... pour toute l'Union

«C’est à nouveau le chantier institutionnel du Royaume-Uni qui va redémarrer», note Gilles Leydier. Le spécialiste souligne que les promesses de la fin de la campagne ont suscité des réserves dans le propre camp du Premier ministre, le parti conservateur: pourquoi y aurait-il un nouveau deal en matière de «devolution» pour les Ecossais et pas pour les autres, alors que le Pays de Galles aspire à plus d’autonomie politique, l’Irlande du Nord à un accord stable en matière de décentralisation et l’Angleterre à ce que seuls les députés concernés par les lois puissent s’exprimer à Westminster ("English votes on English laws")?

Mais si ce scrutin va laisser des traces politiques, il ne devrait pas se réitérer de sitôt, selon les deux spécialistes. Même si la question de l’indépendance, qui se pose depuis les années 1970, ne va pas disparaître comme cela du jour au lendemain, Alex Salmond et le parti national écossais (SNP) devraient renoncer à organiser un référendum dans les années qui viennent pour éviter de tomber dans le «never end-um» (le «never ending referendum», les référendums sans fin). «Même si on ne peut augurer de l’avenir, je pense que c’est fini au moins pour une génération, indique Camille Manfredi. Processus lent et pour beaucoup de nationalistes, c’était le moment ou jamais.»