Ebola: «Ne pas savoir repérer assez vite un cas engendre des risques pour les soignants et la population»
INTERVIEW•Violaine Levistre, infirmière pour MSF, explique à «20 Minutes» comment les personnels médicaux peuvent soigner sans se faire contaminer...Propos recueillis par Bérénice Dubuc
Un quatrième médecin a succombé dimanche à l'épidémie d'Ebola en Sierra Leone, venant grossir la liste des personnels médicaux contaminés depuis le début de l'épidémie dans les trois pays les plus touchés (Liberia, Guinée et Sierra Leone), environ 10% du nombre de cas enregistrés selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Violaine Levistre, infirmière pour MSF, a passé un mois et demi l’hôpital de Donka, à Conakry (Guinée), où MSF a installé un centre d'isolement et de traitement pour les malades d'Ebola. Elle explique à 20 Minutes comment les personnels médicaux peuvent soigner sans se faire contaminer.
Comment les personnels qui soignent les victimes d’Ebola sont-ils protégés?
Tout d’abord il faut différencier les personnels soignants de MSF -qui traitent les patients atteints d’Ebola dans les structures spécifiquement mises en place-, ceux d’autres ONG (comme Samaritan's Purse au Liberia, dont des soignants ont été contaminés), et ceux des structures médicales classiques, qui reçoivent des patients lambda qui peuvent être atteints de fièvre parce qu’ils ont contracté le paludisme mais qui peuvent tout autant être contaminés par Ebola.
Pour les structures de MSF, le système de protection est lourd. Les personnels doivent porter des combinaisons, tout le matériel qui entre dans le centre de traitement (matériel médical, mais aussi des radios pour faire passer le temps aux patients par exemple) ne ressort pas, et nous avons des procédures de décontamination très strictes qui définissent la façon dont on se déshabille, après que des hygiénistes ont vaporisé du chlore sur nos tenues… Pour MSF, la première assurance à avoir, c’est de ne pas mettre en danger les personnels. Pour nous en assurer, nous avons des standards très élevés, issus de nos expériences précédentes d’épidémies d’Ebola.
Ces procédures et matériels ont un coût, difficilement absorbable par les structures médicales nationales…
En effet. Ces structures-là n’y ont pas accès. Mais le but n’est pas de mettre une combinaison dans chaque service. Il faut surtout que le personnel médical de ces structures soit formé à repérer les patients possiblement atteints d’Ebola, et qu’ils sachent ensuite comment se comporter -l’isoler et appeler un numéro de régulation pour le transférer vers un centre qui effectuera des tests pour savoir s’il a bien contracté le virus.
Cette formation de base n’est pas faite?
Pas forcément. D’abord parce que former des gens, cela demande d’impliquer des personnels médicaux, déjà très sollicités pour soigner les patients. De plus, ces formations doivent être renouvelées. Les centres de santé s’appuient beaucoup sur les étudiants, qui changent souvent. Et enfin, même s’ils sont formés, les personnels de ces structures de santé n’ont pas forcément accès à du matériel de protection (gants et masques, ainsi qu’à de l’eau et du savon ou à une dilution de chlore pour se laver les mains), par manque d’argent.
Et c’est un vecteur de propagation de l’épidémie?
Le fait de ne pas savoir repérer assez vite un cas probable d’Ebola engendre des risques pour les personnels soignants, mais aussi pour la population en général. Il est avéré que dans certains hôpitaux de Guinée, le personnel médical n’a pas pris de mesure de protection pour lui, et a contaminé d’autres patients. C’est une des choses sur lesquelles il faut travailler au niveau national, au Liberia, en Guinée et au Sierra Leone, et même au niveau des pays limitrophes pour limiter la propagation du virus. Malheureusement, MSF n’a pas les moyens humains de le faire pour l’heure, car les personnels médicaux sont concentrés sur les soins à apporter aux patients atteints.