MONDESuspension de la livraison du premier Mistral à la Russie: Quelles conséquences pour la France?

Suspension de la livraison du premier Mistral à la Russie: Quelles conséquences pour la France?

MONDEL’Elysée déclare ce mercredi dans un communiqué que les conditions «ne sont pas à ce jour réunies»…
Claire Planchard

Claire Planchard

Les conditions pour la livraison du premier Mistral à la Russie ne sont pas réunies: le communiqué de l’Elysée est tombé mercredi en fin d’après-midi à la veille d’un sommet de l’Otan organisé au Pays de Galles.

Pression diplomatique

François Hollande a ainsi mis à exécution les menaces formulées ces derniers mois par le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius de «suspendre» son contrat avec la Russie accusée de participer directement aux combats dans l’est de l’Ukraine.

Paris donne aussi des gages à ses alliés, allemands, britanniques mais aussi américains, qui ont une nouvelle fois dénoncé ce mercredi la vente par la France de ces deux navires de guerre à la Russie, au moment où les Européens s’apprêtent à renforcer leurs sanctions contre Moscou.

«Faire cette annonce le jour même où Kiev et Moscou semblent avoir trouvé la voie d’un cessez-le-feu est un peu étonnant, souligne Yves Boyer, professeur en charge du cours de relations internationales à l’Ecole polytechnique. C’est aussi un signe d’une grande faiblesse diplomatique qui révèle les fortes tensions existant actuellement au sein du ministère de la Défense et du Quai d’Orsay, entre néoconservateurs partisans d’une ligne atlantistes et les gaulo-mitterrandiens plus soucieux de l’indépendance de la France. Et cette fois-ci la première ligne qui semble avoir prévalu», poursuit le spécialiste.

Des intérêts économiques préservés

Pour autant Paris ménage ses arrières. «Dans ce communiqué, l’Elysée évoque une suspension du contrat et non pas son annulation» souligne Yves Boyer Une mesure extrême dont l’impact serait aussi «négatif pour les Français» avait souligné en mars Laurent Fabius, notamment en termes économiques. Une source diplomatique française indique d’ailleurs que «le contrat est suspendu jusqu’en novembre», indique l’AFP.

Ce contrat conclu en 2011 avec Moscou prévoit en effet la vente de deux navires de projection et de commandement (BPC) de type Mistral, navires de guerre polyvalents pouvant transporter des hélicoptères, des chars, ou accueillir un état-major embarqué. Pour le moment seule la livraison du premier, le Vladivostok, prévue en octobre 2014 est suspendue. Le sort du deuxième navire, le Sébastopol (en référence au port de Crimée où trempe la flotte russe) dont la construction est en cours, n’est lui pas évoqué.

Et pour cause: ces deux chantiers représentent 1.000 emplois directs pendant quatre ans chez DCNS, le maître d’œuvre du contrat également en charge de l’intégration des systèmes de mission (à Toulon), et aux chantiers de l’Atlantique de STX. Sans oublier les milliers d’emplois induits chez les sous-traitants et dans le bassin d’emploi de Saint-Nazaire et à Toulon. Le tout pour un montant total de 1,2 milliard d’euros, dont plus de la moitié a déjà été versée par la Russie. L’arrêt du contrat se solderait donc par un manque à gagner pour les industriels. Et le dédommagement à la Russie pourrait incomber aux contribuables français.

Une réputation commerciale à défendre

«Si la France impose des sanctions à la Russie et ne nous livre pas les navires Mistral, ce sera l’économie française qui en souffrira et pas la capacité de combat de la marine russe», avait déclaré au mois de mars le chef de la commission chargée de la Sécurité nationale de la Chambre publique Alexandre Kanchine. Le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine avait estimé que la France nuirait à sa réputation de partenaire «fiable» si elle décidait de renoncer à la vente à la Russie de navires militaires français Mistral.

«Cette décision va être scrutée avec beaucoup d’attention à Brasilia ou à New Delhi, où se négocie notamment le contrat du Rafale, confirme Yves Boyer, car l’Inde ou le Brésil ne voudront certainement pas prendre le risque de voir leur contrat annulé si leur politique ne plaît plus à la France».