Irak: Deux mois d’offensive djihadiste en cinq questions
DÉCRYPTAGE•epuis le 9 juin, des insurgés sunnites menés par l’Etat Islamique mènent une offensive contre le nord, l’est et l’ouest du pays...Bérénice Dubuc
Que se passe-t-il en Irak?
Depuis le 9 juin, des insurgés sunnites menés par l’Etat Islamique (EI, anciennement Etat islamique en Irak et au Levant, EIIL), ont lancé une offensive fulgurante sur le nord du pays. L’EI contrôlait déjà depuis janvier Fallouja et plusieurs autres secteurs de la province occidentale d’Anbar. Ils se sont emparés le 10 juin de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, et une grande partie de la province de Ninive, le 11 de Tikrit, ancien fief de Saddam Hussein et chef-lieu de la province de Salaheddine, le 15 de Al-Adhim, dans la province de Diyala (est). Dans la nuit de jeudi à ce vendredi, les djihadistes ont pris position à Qaraqosh, plus grande ville chrétienne d’Irak, située à 40 kilomètres d’Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan.
Pourquoi n’ont-ils pas été arrêtés?
Aux premiers jours de l’offensive, l’armée irakienne, complètement dépassée, s’est retirée de plusieurs zones disputées de longue date entre les Kurdes et Bagdad. Les forces kurdes (les peshmergas) en ont donc profité pour prendre position hors de leurs frontières, élargissant officieusement le Kurdistan de 40 %. Mais, depuis fin juillet, sous pression face aux difficultés financières du Kurdistan, les peshmergas reculent. L’EI s’est ainsi emparé le week-end dernier de plusieurs villes tenues par les Kurdes, dont Sinjar et Zoumar, à proximité de la frontière syrienne. Des combattants kurdes d’Irak, de Syrie et de Turquie ont alors décidé d’unir leurs forces à celles de l’armée irakienne et des milices chiites, alliées au gouvernement et composées de volontaires, contre l’avancée de l’EI.
Quelle est la situation des populations civiles?
Des dizaines de milliers de personnes ont fui le nord de l’Irak, principalement des chrétiens et des Yazidis. A la mi-juillet, les chrétiens de Mossoul, ont dû fuir en masse après avoir reçu un ultimatum des djihadistes leur donnant quelques heures pour quitter les lieux ou se convertir à l’islam. Selon le patriarche chaldéen Louis Sako, 100.000 chrétiens de plus ont fait de même après la prise de Qaraqosh et d’autres villes de la région de Mossoul. Les Yazidis, communauté kurdophone pré-islamique, se sont eux retrouvés piégés, sans eau ni nourriture, dans les montagnes désertiques environnantes après la prise de la région de Sinjar, bastion de leur minorité.
De plus, si ses combattants sont restés pour le moment à quelques dizaines de kilomètres de Bagdad, l’EI mène régulièrement dans la capitale des attaques suicides ou à la voiture piégée, visant en particulier forces de sécurité et minorité chiite. En juin, l’Irak avait enregistré son mois le plus meurtrier depuis 2007, avec plus de 2.000 personnes tuées dans des violences. En juillet, plus de 1.600 personnes, en majorité des civils, sont mortes.
Que fait la communauté internationale?
Le Conseil de sécurité de l’ONU, réuni en urgence jeudi soir à New York, a apporté son soutien à Bagdad et invité «la communauté internationale à soutenir le gouvernement et le peuple d’Irak et à faire tout ce qui est possible pour aider à soulager les souffrances de la population».
La France a déclaré être prête à «apporter un soutien» aux forces irakiennes, sans en préciser la nature, alors que, du côté Américain, Barack Obama a annoncé qu’il avait autorisé des parachutages humanitaires et, si nécessaire, des frappes aériennes ciblées contre les djihadistes pour éviter un «génocide» des minorités.
Les Américains peuvent-ils revenir dans le pays?
Fin juin, le gouvernement irakien a officiellement demandé de l’aide aux Etats-Unis pour contrer l’offensive de l’Etat Islamique (EI). Mais, si les Etats-Unis ont envoyé un porte-avions dans le Golfe, ils ont dès le début de l’offensive d’EI écarté l’envoi de troupes au sol. Obama l’a encore réaffirmé jeudi, soulignant «qu’il n’y a pas de solution militaire américaine à la crise» que connaît actuellement l’Irak. En cause: l’opinion publique américaine de moins en moins favorable aux interventions militaires extérieures, le spectre de nouvelles pertes humaines et financières, ainsi que l’imminence, en novembre, des élections de mi-mandat.