Perpétuité pour les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants
CAMBODGE•Les deux hommes, condamnés au terme d'un procès historique, ont fait appel...20 Minutes avec AFP
Les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore vivants ont été condamnés jeudi à la prison à vie pour crimes contre l'humanité, un verdict «historique» 35 ans après la chute d'un régime qui a fait quelque deux millions de morts au Cambodge entre 1975 et 1979. Ils vont faire appel, ont annoncé leurs avocats lors d'une conférence de presse.
L'idéologue du régime Nuon Chea, 88 ans, et le chef de l'Etat du «Kampuchéa démocratique» Khieu Samphan, 83 ans, ont été reconnus «coupables des crimes contre l'humanité d'extermination, de persécution politique, et d'autres actes inhumains», dont les déplacements forcés de population et les disparitions forcées, a déclaré Nil Nonn, juge du tribunal de Phnom Penh parrainé par l'ONU. Il a précisé que compte tenu «de la gravité des crimes», ils resteraient en détention même en cas d'appel de cette condamnation.
«Mini-procès»
«C'est un jour historique pour les victimes cambodgiennes qui ont attendu 35 ans» pour obtenir justice, a commenté Lars Olsen, porte-parole de la Cour. Les deux octogénaires, poursuivis pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, comparaissent depuis 2011 devant le tribunal, mais pour tenter d'obtenir au moins un verdict avant leur mort, la procédure complexe a été découpée.
Le jugement de jeudi concerne le premier «mini-procès» qui s'est concentré sur les crimes contre l'humanité liés à l'une des plus grandes migrations forcées de l'Histoire moderne. Après leur prise du pouvoir en avril 1975, les Khmers rouges ont en effet vidé les villes du pays, en application d'une utopie marxiste délirante visant à créer une société agraire, sans monnaie ni citadins.
Yim Sovann, 54 ans, faisait partie des quelque deux millions d'habitants de Phnom Penh forcés en quelques jours d'évacuer la capitale, pour rejoindre un camp de travail à la campagne. «La nuit, nous avions l'ordre de creuser des canaux d'irrigation. Parfois, on me faisait travailler dans les rizières jusqu'à minuit», a raconté celle qui était alors adolescente.
«Un jour historique pour tous les Cambodgiens»
Comme beaucoup de Cambodgiens, elle a perdu plusieurs membres de sa famille sous les Khmers rouges, notamment son père, ancien agent secret, exécuté, et sa petite soeur, disparue après avoir été accusée d'avoir volé une poignée de riz. Alors beaucoup espèrent que le verdict de jeudi permettra de commencer à tourner la page sur un chapitre traumatisant de l'Histoire du pays. «Je n'oublierai jamais les souffrances mais (ce verdict) est un grand soulagement pour moi. C'est une victoire et un jour historique pour tous les Cambodgiens», a réagi Khieu Pheatarak, 70 ans, évacuée de Phnom Penh en 1975.
A l'issue de deux années d'audiences, l'accusation avait requis en octobre l'emprisonnement à vie contre les deux accusés, soit la peine maximale prévue par le tribunal qui a exclu dès sa création la peine de mort. Les deux octogénaires, arrêtés en 2007, ont eux nié toutes les accusations retenues contre eux, assurant n'être pas responsables des atrocités d'un régime qui a conduit à la mort d'un quart de la population du pays, d'épuisement, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions. Pol Pot, le «frère numéro un», est mort en 1998 sans avoir été jugé.
Le dossier n'est toutefois pas encore clos. Dans la foulée de leur condamnation, les deux hommes ont annoncé, par la voix de leurs avocats, qu'ils faisaient appel. «Nous allons faire appel de la condamnation et de la peine (...). C'est injuste pour mon clien», a déclaré Son Arun, avocat de l'idéologue du régime, Nuon Chea. «La peine est trop sévère. Nous allons faire appel du verdict et de la peine», a ajouté Kong Sam Onn, avocat de Khieu Samphan, chef de l'Etat du «Kampuchéa démocratique».