INTERVIEWVIDEO. Chrétiens d’Irak: «Accueillir les réfugiés en France ne suffit pas»

VIDEO. Chrétiens d’Irak: «Accueillir les réfugiés en France ne suffit pas»

INTERVIEWLe père Sabri Anar, curé de la paroisse chaldéenne de Saint Thomas à Sarcelles (Val-d’Oise), témoigne de son inquiétude pour la communauté chrétienne d’Irak et de ses attentes vis-à-vis de l’Etat français…
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

Ce dimanche, ils étaient des centaines sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Religieux, élus, croyants et membres de la communauté assyro-chaldéenne étaient là pour témoigner leur soutien à leurs frères irakiens, contraint par l’Etat islamique (EI) de quitter Mossoul pour leur salut. Parmi les manifestants, le père Sabri Anar, curé de la paroisse chaldéenne de Saint Thomas à Sarcelles (Val-d’Oise). Au lendemain du rassemblement parisien, il répond à 20 Minutes sur les attentes de la communauté chaldéenne vis-à-vis de l’Etat français.



Le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l’Intérieur ont annoncé ce lundi vouloir «favoriser l’accueil» des réfugiés qui ont «fui les menaces de l’Etat islamique», est-ce ce que vous attendiez au lendemain de la manifestation?

Je me réjouis de cette annonce et nous saluons cette initiative du gouvernement de permettre aux chrétiens d’Irak qui le veulent de pouvoir venir en France. Certains réfugiés, qui ont fui vers le Kurdistan, ont déjà de la famille exilée ici et souhaitent la rejoindre. Mais pour nous ce n’est pas une solution, non seulement parce que cela concerne une toute petite minorité d’entre eux, mais surtout parce que les chrétiens sont attachés à leur patrie. L’Irak c’est leur pays, ce sont eux les autochtones qui ont accueilli l’islam sur cette terre. Et les chrétiens y sont viscéralement attachés, ils ont versé du sang sur cette terre. Ils ne veulent pas en être expulsés et partir de chez eux sous la contrainte.

Quelle serait la solution?

La solution est politique, on ne demande pas d’intervention militaire. La France, les Etats européens et l’ONU doivent faire pression pour que les chrétiens soient en sécurité en Orient, notamment en Irak. L’ONU doit pouvoir sécuriser les minorités irakiennes, les chrétiens ne sont pas les seuls à souffrir et à être persécutés en Irak. Il y a également des urgences humanitaires. Dans l’urgence de se mettre en sécurité, les chrétiens fuient Mossoul et marchent des kilomètres dans le désert pour rejoindre le Kurdistan. Des milliers de personnes déplacées vivent dans des tentes dans la plaine de la Ninive, où il fait entre 40 et 50 degrés, sans eau ni électricité.

Il était temps que médias et gouvernement s’emparent de la question après ce long silence. Il y a eu cette première déclaration encourageante de favoriser l’accueil des réfugiés mais désormais, nous les Chaldéens attendons de voir comment cette prise de conscience va se traduire en actes.

Pensez-vous qu’il y a encore un avenir pour les chrétiens en Irak?

L’entrée des djihadistes en Irak marque la persécution des chrétiens. Il n’y avait pas de politique antichrétiens auparavant. Le califat autoproclamé de l’EI à Mossoul nous vise directement. Les chrétiens sont de fait marginalisés.

Aujourd’hui, suite à l’ultimatum, Mossoul s’est vidée de ses chrétiens. En moins de trois jours, plus de 5.000 d’entre eux ont quitté la ville. Ils n’ont pas attendu la fin de l’ultimatum pour fuir. La semaine dernière, une cathédrale bimillénaire de syriaques catholiques a été incendiée et balayée et les croix des églises sont démontées. Les maisons des chrétiens ont été marquées de la lettre arabe «ن» (n pour nazaréen) puis certaines ont eu cette marque barrée, pour signifier qu’elles appartenaient désormais aux djihadistes de l’EI. En quelques heures, des familles entières ont été dépossédées de leurs biens de toute une vie, comme une tempête qui balaie tout.

Mais nous gardons espoir. Le patriarche Louis Raphaël Ier Sako a demandé au peuple chrétien d’Irak de rester fidèle dans sa foi et dans son courage. L’Histoire a connu des heures sombres mais la paix a pu revenir.