Affaire des kidnappés: le Japon lève des sanctions contre Pyongyang

Affaire des kidnappés: le Japon lève des sanctions contre Pyongyang

Le Japon a annoncé jeudi la levée partielle de sanctions unilatérales ...
© 2014 AFP

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Le Japon a annoncé jeudi la levée partielle de sanctions unilatérales contre la Corée du Nord en raison de progrès sur le dossier des Japonais enlevés durant la guerre froide, la marque d'une nette amélioration des rapports avec ce pays toujours au ban des nations.

«Nous allons lever une partie des mesures prises par le Japon», a annoncé le Premier ministre japonais Shinzo Abe, expliquant en substance qu'apparemment Pyongyang se conformait à ses engagements dans ce dossier.

Cette décision fait suite à une réunion bilatérale mardi à Pékin après que, fin mai, la Corée du nord a accepté de rouvrir ce dossier en échange de la promesse d'une levée de certaines sanctions par Tokyo.

M. Abe n'a pas précisé quelles dispositions étaient concernées mais, selon des médias japonais, il serait question de lever des restrictions sur les voyages des Nord-Coréens au Japon, ainsi que l'obligation de déclarer au-delà de 100.000 yens (environ 720 euros). Les navires enregistrés en Corée du Nord ne se verraient également plus interdits d'entrée dans les ports japonais en cas de force majeure, croit également savoir la presse nippone.

Le porte-parole du gouvernement japonais, Yoshihide Suga, a précisé que la Corée du nord allait mettre en place «à partir de vendredi» la commission d'enquête promise fin mai aux autorités japonaises lors des discussions en Suède qui avaient permis de débloquer le dossier.

Selon le quotidien économique Nikkei, la partie nord-coréenne a remis mardi à la délégation japonaise une liste «à deux chiffres» de noms de Japonais susceptibles d'avoir été kidnappés.

Elle a également présenté en détail la commission d'enquête spéciale. Selon un officiel japonais participant et cité par la presse nippone, elle sera présidée par un proche conseiller du dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un.

Tokyo n'a jamais voulu classer l'affaire des enlèvements et, depuis des années, en fait une condition sine qua non pour une normalisation avec la Corée du Nord avec laquelle elle n'entretient pas de relations diplomatiques.

Mais jusque-là, Pyongyang estimait que la question des enlèvements, portant sur 13 personnes selon elle, était résolue avec le retour au Japon de cinq détenus et l'annonce que les huit autres étaient morts. Tokyo, qui parle d'au moins 17 kidnappés, ne s'est jamais satisfait de ces explications avancées, selon le Japon, sans preuves.

- Dialogue mal vu à Séoul -

Ce réchauffement, ou plutôt ce dégel relatif, entre Tokyo et Pyongyang n'est pas sans poser des questions, notamment dans la région, à un moment où la Chine prend ses distance avec le régime nord-coréen, visiblement irritée par les provocations de ce dernier, avec entre autres des tirs de missiles et de roquettes.

Dans un geste symboliquement fort, le président chinois Xi Jinping a d'ailleurs entamé jeudi une visite d'Etat de deux jours en Corée du sud, alors que depuis son arrivée au pouvoir fin 2012, il n'a pas rencontré le dirigeant nord-coréen ni se s'est rendu en Corée du Nord.

Le dialogue entre Tokyo et Pyongyang est vu d'un mauvais oeil par la Corée du Sud, parce qu'il pourrait éventuellement avoir, pense Séoul, une incidence sur la position japonaise face à la menace du programme nucléaire nord-coréen.

Tout en disant comprendre le caractère sensible et «humanitaire» de ce dossier pour Tokyo, les ministère sud-coréen des Affaires étrangères a mis en garde contre tout ce qui pourrait aller contre les efforts internationaux pour forcer Pyongyang à renoncer à ses ambitions nucléaires.

A Séoul, qui est en première ligne face au péril atomique nord-coréen, on n'est pas loin de penser que la Corée du Nord utilise le dossier des kidnappés pour essayer d'enfoncer un coin entre ses ennemis.

Le porte-parole du gouvernement japonais s'est voulu rassurant: «notre position qui consiste à résoudre de manière concomitante le problème des enlèvements et celui des missiles nucléaires n'a pas varié», a affirmé M. Suga.

Et d'ajouter que, sur ce dossier, Tokyo entendait se coordonner avec Séoul et surtout les Etats-Unis qui font tout pour isoler Pyongyang sur la scène internationale.

Reste que selon certains analystes, le pari des autorités japonaises est risqué et sans garantie de résultats. Ainsi pour Satoru Miyamoto, un expert de la Corée du Nord, le premier ministre japonais, perçu comme un inquiétant nationaliste de droite tant par Pékin que Séoul, «a fait un pari, et va devoir maintenant prendre des décisions politiques difficiles». Il faut dire qu'il a depuis des années bâti un pan de sa popularité en se mobilisant pour les familles des kidnappés.

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