Centrafrique: Le Tchad face à l’afflux des «retournés»
CRISE•Le pays s’organise depuis six mois pour gérer l’afflux de réfugiés en provenance de Bangui. Les défis à relever sont énormes et les financements ne suivent pas...Bérénice Dubuc
De notre envoyée spéciale à N'Djamena (Tchad)
Des abris blancs fournis par le HCR à perte de vue, qui contrastent avec le vert des plants de manioc encore présents sur le site. «Le gouvernement tchadien a alloué ces 1.000 hectares pour créer le camp de Maingama», explique Guy Yogo, chef des urgences et coordinateur des opérations de terrain de l’Unicef au Tchad.
Alors que, pour l’heure, seuls les points d’eau et latrines essentiels pour couvrir les besoins des premiers 2.000 arrivés sont en place, lorsque toutes ses infrastructures seront déployées, le camp de Maingama comprendra un centre de santé, un centre de distribution alimentaire et l’espace nécessaire pour que non seulement chaque famille présente sur le site puisse construire son abri avec des matériaux durables sur 300m2, mais aussi que les retournés qui le souhaitent puissent se voir attribuer un lopin de terre à cultiver.
Plus aucune attache
Le camp de Maingama se veut en effet la réponse de plus long terme à l’afflux de retournés en provenance de République de Centrafrique (RCA), qui déferle sur le Tchad depuis le mois de décembre. Six mois après le début de l’intervention de la force Sangaris en RCA, près de 350.000 personnes ont fui les violences, dont quelque 100.000 ont trouvé refuge au Tchad voisin. Coincé entre la Libye, le Soudan, la RCA, le Cameroun, le Niger et le Nigéria, le Tchad est depuis 2009 le seul oasis de stabilité dans cette région troublée.
Le pays connaît ses propres difficultés: insécurité alimentaire dans la bande sahélienne, épidémies (rougeole, palu), inondations (le sud du pays a été particulièrement gravement touché en 2012), services publics de base (santé, eau, école…) précaires, … Mais sa situation géographique le place en première ligne dès qu’un conflit éclate dans la zone. Le Tchad a ainsi accueilli les Libyens chassés par la guerre en 2012, les Soudanais en 2013, et ceux qui fuient la RCA depuis décembre 2013.
Quelque 70.000 personnes en provenance de RCA vivent aujourd’hui dans les camps. «Ce sont pour la plupart des “retournés“», explique Bruno Maes, le représentant de l’Unicef au Tchad, c’est-à-dire des Tchadiens dont les parents ou les grands-parents étaient partis s’installer en RCA et qui ont choisi de revenir au Tchad quand le conflit s’est aggravé et que le gouvernement tchadien a ouvert ses frontières pour mettre en sécurité ses ressortissants. «Mais la majorité d’entre eux ne connait pas du tout le pays, et n’y a souvent plus aucune attache», souligne Bruno Maes.
Besoins financiers non couverts
Les autorités, qui comptaient initialement renvoyer tous ces retournés dans leurs villes et villages d’origine, ont donc du se laisser convaincre par les acteurs humanitaires de mettre en place des sites plus pérennes, mieux équipés, dont les infrastructures doivent mieux résister aux intempéries (chaleur, saison des pluies,…), et où ces personnes peuvent s’installer pendant quelques mois pour trouver des schémas de survie et préparer leur intégration dans la société, comme à Maingama. Cependant, le profil des bénéficiaires –population en majorité urbaine, composée à 70% de femmes et d’enfants- risque de rendre plus difficile encore ce travail de réintégration.
Sans compter que les financements, condition sine qua non à la réalisation de tous ces projets, ne suivent pas. En effet, la prise en charge de cette population suppose un coût énorme, que le Tchad ne peut supporter. Le gouvernement a donc lancé une demande d’aide de quelque 40 millions de dollars auprès des bailleurs internationaux en avril. Mais les besoins financiers sont loin d’être couverts, y compris pour les agences onusiennes. «A peine 15% des besoins de l’Unicef ont été couverts», souligne ainsi Bruno Maes, le représentant de l’Unicef au Tchad.