Kerry appelle à reléguer les viols de guerre aux livres d'histoire

Kerry appelle à reléguer les viols de guerre aux livres d'histoire

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a appelé, vendredi à Londres à "reléguer au Moyen Age et aux livres d'histoire" le "crime indescriptible" des violences sexuelles en temps de conflit.
© 2014 AFP

© 2014 AFP

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a appelé, vendredi à Londres à "reléguer au Moyen Age et aux livres d'histoire" le "crime indescriptible" des violences sexuelles en temps de conflit.


Après quatre jours de réunions, de débats et de témoignages souvent bouleversants, la plus ambitieuse conférence jamais organisée sur le viol en tant qu'arme de guerre s'est terminée sur la promesse d'un protocole visant à mettre fin à l'impunité, même si son application sur le terrain reste extrêmement compliquée.

"Nous pouvons y arriver", a pourtant martelé John Kerry qui s'est dit "impliqué à titre personnel dans ce combat en tant que vétéran de guerre et père de deux filles".

Dans un long discours devant les représentants des 123 pays présents, le secrétaire d'Etat a renvoyé aux objectifs formulés dans le protocole élaboré à l'initiative du chef de la diplomatie britannique, William Hague, et de la star de Hollywood, Angelina Jolie.

Ambassadrice de bonne volonté du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés, l'actrice, rejointe à Londres par son compagnon Brad Pitt, a tout fait pour "sortir de l'ombre" une cause qu'elle défend depuis des années.

"On n'éradiquera pas ce mal du jour au lendemain, ceci n'est que le début, mais nous savons exactement ce qu'il faut faire désormais", a-t-elle souligné vendredi.

Le protocole, un document de 146 pages traduit en plusieurs langues et diffusé dans le monde entier, a été présenté dès mercredi.

-"Tolérance zéro"-

Il met l'accent sur la "tolérance zéro" face aux violences sexuelles ainsi que sur le soutien à apporter aux victimes qui, plutôt que d'être aidées, sont parfois ostracisées jusque dans leur propre communauté et famille.

Le protocole vise surtout à mettre "fin à l'impunité" des violeurs, en établissant des critères internationaux pour consigner et enquêter sur ces crimes afin que les coupables puissent être poursuivis plus efficacement.

Car comme l'a rappelé Angelina Jolie, le nombre de condamnations pour viol en zone de guerre est "dérisoire".

A peine une soixante de personnes ont par exemple été poursuivies en Bosnie où on estime entre 20.000 et 50.000 le nombre de femmes violées au début des années 1990.

En RDCongo, où 36 femmes et filles sont violées chaque jour, en Colombie, en Afghanistan et dans beaucoup d'autres pays, on rencontre les mêmes difficultés à retrouver et faire juger les coupables.

"C'est le noeud du problème, a affirmé à l'AFP Georges Kuzma, expert des questions policières et judiciaires pour l'ONG "Physicians for Human rights". "Car avant de poursuivre les fautifs, il faut déjà savoir enquêter et documenter. A cet égard, il y a deux gros obstacles: le fait que les pays ciblés soient des pays jeunes au niveau des institutions. Et le fait qu'il n'y a souvent pas ou très peu de budget et de logistique."

Les fonds supplémentaires débloqués par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis à l'occasion de la conférence de Londres pourront aider mais ne suffiront pas à combler le fossé.

Au-delà des promesses affichées, la conférence aura déjà donné lieu à au moins deux avancées. Elle a en premier lieu permis de libérer la parole dans certains pays où le sujet a longtemps été ignoré, voire dissimulé.

"Vous savez, il y a quelques années notre gouvernement n'acceptait pas l'idée qu'il y avait des violences. On fermait les yeux sur certaines choses. Aujourd'hui plusieurs ministres étaient ici à Londres pour dénoncer ces actes. C'est un pas énorme. Accepter que des choses ne vont pas c'est commencer à penser à trouver une solution", soulignait Nadine Neema Rukunghu, radiologue à l'hôpital de Panzi, au Sud-Kivu.

La conférence a aussi offert un point de repère précieux aux ONG, associations et militants qui y ont participé.

Avoir entendu les promesses leur permettra, dit l'activiste américaine Jody Williams, de "prendre au mot" les autorités et de les mettre face à leurs engagements lors des années à venir.

Cet article est réalisé par Journal du Net et hébergé par 20 Minutes.