Le retour des années de plomb en Italie?
TERRORISME•Une quinzaine d'extrémistes de gauche, soupçonnés de projeter des attentats, ont été arrêtés cette semaine...Le spectre des «années de plomb» ressurgit en Italie. L'arrestation cette semaine de 15 militants, dont une jeune femme, soupçonnés de préparer plusieurs attentats, démontre que le terrorisme d’extrême gauche n’a pas rendu les armes dans la péninsule.
Ils ont entre 22 ans et la cinquantaine, sont étudiants ou ouvriers dans le Nord de l'Italie et adhèrent pour la moitié d'entre eux au plus grand syndicat de gauche du pays, la CGIL. Insoupçonnables pour la plupart. Leur «quotidien tranquille» masquait pourtant des activités dans la plus pure tradition brigadiste, affirment après deux ans d'enquête la police antiterroriste et le parquet de Milan: propagande à l'université ou à l'usine, entraînement au maniement d'armes, surveillance de sites ou de personnalités pour d'éventuels passages à l'acte.
Plusieurs cibles dont un journal
Considéré comme le leader, Alfredo Davanzo, 50 ans, second couteau dans les «anciennes» Brigades Rouges, avait déjà été condamné en 1982 pour braquage, avant de fuir en France d'où il était rentré clandestinement.
Parmi les cibles visées par le groupe, figurait à Milan le quotidien de droite Libero, qui aurait dû faire les frais d'un attentat le jour de Pâques, en l'absence de la rédaction.
Selon l'enquête, le professeur de droit du travail Pietro Ichino, ancien syndicaliste qui prône aujourd'hui un dégraissage de la fonction publique, était aussi visé. Toujours dans le nord, une résidence de Silvio Berlusconi, les sièges de son groupe de télévision Mediaset et du groupe pétrolier Eni auraient fait l'objet de simples repérages.
Près de Padoue, une cache a été découverte jeudi avec plusieurs armes dont un fusil mitrailleur Kalachnikov et une mitraillette Uzi, ainsi que des gilets pare-balle, des uniformes de policiers et une perruque.
«L'Italie n'est pas en proie au terrorisme mais il existe encore des terroristes»
Ex-magistrat spécialisé dans l'antiterrorisme, le député des Démocrates de Gauche (DS), Luciano Violante, nuance toutefois la menace actuelle: «l'Italie n'est pas en proie au terrorisme mais il existe encore des terroristes. Il faut être très vigilants, car avant de faire couler le sang, les anciennes Brigades Rouges avaient accompli plusieurs actions démonstratives de faible ampleur.»
La présence de syndicalistes infiltrés parmi les suspects a provoqué également une onde de choc au sein de la CGIL, qui fut en première ligne dans la mobilisation contre les Brigades Rouges.
Directeur du quotidien communiste «Il Manifesto», Gabriele Polo a connu l'un des 15 militants arrêtés à Turin, Vincenzo Sisi (53 ans). «Une personne discrète et silencieuse, un type que je n'aurais même pas rangé dans l'extrême gauche.» Selon lui, la pérennité de ces activistes doit interroger la gauche italienne, souvent fracturée entre ses ailes réformiste et radicale, «qui ne donne pas assez de réponses politiques à la société et joue trop souvent le compromis». «Ce vide politique, quelques fous croient malheureusement pouvoir encore le remplir en prenant les armes», conclut-il.