Ukraine: Une intervention payante pour la Russie?
CRISE•La Russie prendrait des risques à intervenir mais a aussi des moyens de pression dans la balance…Bertrand de Volontat
Militairement, la Russie fait une démonstration de force. L'Ukraine est en train de perdre le contrôle de la Crimée, alors que la Russie a décidé d'y déployer ses troupes, provoquant l'une des plus graves crises avec l'Occident depuis la fin de la Guerre froide. Mais économiquement, le pays de Vladimir Poutine n’est pas encore un géant. Après le feu vert du Parlement russe ce week-end sur l’intervention militaire, les Occidentaux ont fait bloc. Que peut perdre ou gagner la Russie dans ce conflit?
Contre la Russie
Exit du G8. Principale menace concrète jusqu'à présent, les Etats-Unis ont averti la Russie qu'elle risquait d'être exclue du G8. Condamnant la «claire violation» de la souveraineté de l'Ukraine, les dirigeants du G8 ont annoncé pour leur part la suspension de leurs préparatifs en vue du sommet du groupe à Sotchi en juin. Le ministre allemand des Affaires étrangères s'est lui montré sceptique ce dimanche quant à une éventuelle exclusion de la Russie de cette instance.
L’isolement économique. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry, attendu ce mardi à Kiev, la capitale de l’Ukraine, a lancé des mises en garde d'«isolement» économique de Moscou, s'il ne retirait pas ses soldats de Crimée. Il a évoqué, comme moyen de pressions, des sanctions économiques, le gel des avoirs de certains dirigeants russes, des interdictions de visa, ou encore le boycott des investissements. Selon les analystes, des sanctions américaines auraient peu d'impact sans mesures vigoureuses de la part des pays européens.
Des marchés financiers dépendants. Ils paniquaient ce lundi face à l'escalade de la crise, poussant la Banque centrale russe à une hausse surprise de son taux directeur pour tenter de calmer le jeu. L'euro a dépassé pour la première fois les 50 roubles. «La Russie dépend en grande partie des capitaux occidentaux», pour Chris Weston, analyste d'IG. Le géant gazier russe Gazprom, qui tire une grande partie de ses bénéfices de ses exportations vers l'Europe, perdait 11,5% de sa valeur boursière ce lundi.
Perdant-perdant. La révolte en Ukraine a fragilisé une économie déjà très précaire. De plus, Vladimir Poutine a des moyens de pression sur l’Ukraine, comme le prix du gaz ou les droits de douane. Mais la dépendance est réciproque. Une déstabilisation de l'Ukraine aurait des conséquences négatives pour la Russie aussi, dont l'économie est dans une passe difficile. Avec 60% du gaz qui transite par son sol vers l'Europe, l'Ukraine reste un acteur important pour Moscou.
En faveur de la Russie
La pression économique sur l’Ukraine. Gazprom a indiqué que l'Ukraine avait une «énorme» dette de gaz d’1,12 milliard d'euros non payée et a averti que le prix préférentiel accordé pourrait être remis en cause. L'Ukraine reste dépendante du gaz russe, pour faire tourner son importante industrie et chauffer sa population. En réponse, les Etats-Unis ont affirmé qu’ils accorderont à l'Ukraine le maximum d'aide financière pour sortir le pays de la crise économique.
La pression du gaz sur l’Europe. Depuis la crise de 2009, les européens ont organisé le stockage de gaz naturel pour éviter des tensions sur l’approvisionnement. La France n’est aujourd’hui dépendante du gaz russe qu’à 15%.
L’alliance sino-russe. Les chefs de la diplomatie russe et chinoise ont constaté lundi leur concordance de vues sur la situation en Ukraine. Les deux pays sont déjà alliés sur plusieurs dossiers face aux Occidentaux, par exemple sur la Syrie.
La Crimée, territoire déjà russe. Pour nombre de russophones de Crimée, largement majoritaires dans ce territoire et dont le niveau de vie est souvent très bas, l'espoir réside désormais dans une aide économique massive de la Russie.