Bilan de Genève II sur la Syrie: Pas d’avancée concrète mais un premier pas symbolique

Bilan de Genève II sur la Syrie: Pas d’avancée concrète mais un premier pas symbolique

DIPLOMATIE – Pour la première fois depuis le début du conflit en Syrie, une délégation de l’opposition et une délégation du régime se sont fait face...
Faustine Vincent

Faustine Vincent

Maintes fois reportée, la conférence de Genève II, censée trouver une issue politique à la guerre en Syrie, s’annonçait comme un fiasco total. Opposition trop divisée, pas assez représentative, hésitations sur sa participation, position trop antagoniste avec celle du régime… Même les optimistes observaient la plus grande prudence face aux atermoiements des protagonistes et la complexité du processus. Quatre jours après la fin de la conférence, le bilan est (un tout petit peu) moins sombre. «Il n’y a pas eu d’avancée tangible, reconnaît une source diplomatique. Mais pour la première fois, une délégation de l’opposition et une délégation du régime se sont fait face. Avant, on était uniquement dans une logique d’affrontements et de violences. Là, le processus politique s’est enclenché. En cela, Genève II marquera une étape, même si on ne sait pas où ça va aller».

L’opposition sort renforcée

Genève II a aussi permis à l’opposition syrienne de sortir renforcée en faisant taire les critiques sur ses divisions et son manque de crédibilité. «Elle a montré qu’elle était sérieuse, déterminée et assez unie», souligne un diplomate français. Même les groupes armés syriens, qui voyaient d’un très mauvais œil les négociations, se sont abstenus de la critiquer, tandis que des opposants non membres de la coalition présente à Genève II sont désormais tentés de la rejoindre. «Les Syriens se sont reconnus dans ce que disait l’opposition. Ce n’est pas rien. Les gens se disent: il faut monter dans ce bateau, on n’a rien à perdre», analyse Wladimir Glasman, ancien diplomate et auteur du blog Un œil sur la Syrie.

A l’inverse, l’attitude de la délégation de Bachar al-Assad était à l’image du régime: brutale et agressive, multipliant les blocages sur la mise en place d’un organe de transition politique et l’aide humanitaire, les deux sujets au cœur des négociations. Mettant en cause le «manque de responsabilité et de sérieux» des dirigeants de l'opposition, le ministre syrien des Affaires étrangères et chef de la délégation du régime, Walid Mouallem, a aussi insisté sur le fait que «personne ne [pouvait] remplacer la direction syrienne», en allusion au président Assad.

Face à cette intransigeance, même la Russie, principale alliée de la Syrie, a tiqué. «Il y a une insatisfaction avérée, même si cela ne se traduit pas pour autant par un changement de position, observe le diplomate français. Ce qui est positif, c’est que malgré les provocations de la délégation du régime de Bachar Al-Assad, le président de la coalition de l’opposition [Ahmad Jarba] a choisi de continuer le processus». Pas sûr toutefois qu’il reste jusqu’au bout si le régime multiplie les blocages et les violences sur le terrain en parallèle – il a notamment lancé des barils d’explosifs sur Alep, faisant plus de 150 morts en trois jours.

Deuxième round de négociations le 10 février

Les deux délégations doivent de nouveau se retrouver le 10 février à Genève pour le deuxième round de négociations. «La première semaine de négociations, c’était de l’affichage publicitaire pour marquer des points de part et d’autre. Le but, maintenant, c’est d’arriver à un objectif commun, prévient Bichara Khader, directeur du centre d'Etudes et de Recherches sur le Monde Arabe de l'Université de Louvain, en Belgique. C’est bon signe qu’il y ait un deuxième round. Mais s’il accouche d’une souris comme le premier, alors la situation en Syrie risque d’empirer encore plus», ajoute-t-il.

Les discussions seront tout aussi difficiles, tant les positions des deux camps semblent irréconciliables. L’opposition réclame le départ de Bachar Al-Assad, ce que rejette la délégation du régime. «Personne ne veut faire des concessions. Il n’y aura pas d’avancée politique, estime Wladimir Gasman. Tout au plus des mesurettes. Il n’y aura pas non plus de solution humanitaire sans solution politique, car le blocage sur l’aide humanitaire est une arme de destruction massive».

A terme, l’idée est de mettre en place une transition politique sans démanteler toutes les institutions de l’Etat, mais en conservant celles qui peuvent l’être dans le cadre d’une nouvelle Syrie. Une issue encore lointaine et incertaine.