Syrie: «Les chances de réussite de Genève ll sont très minces»
DÉCRYPTAGE•es positions irréconciliables du régime de Damas et de l'opposition syrienne, qui doivent ouvrir des discussions à Genève, augurent d’un échec de la conférence pour la paix en Syrie...Bérénice Dubuc
Beaucoup de bruit pour rien ? La conférence de paix sur la Syrie «Genève II» s’ouvre ce mercredi par une session ministérielle à Montreux et doit se prolonger vendredi par des négociations à Genève entre les délégations du régime de Damas et de l'opposition syrienne.
Ces discussions -les premières depuis le début du conflit en mars 2011- suscitent certains espoirs, la France ayant ainsi dit mardi attendre des «avancées vers la paix». Cependant, cette conférence a de grandes chances d’être un échec. Certains s’y attendent, comme Berlin, qui a indiqué privilégier «la politique des petits pas», jugeant qu’«on ne va pas voir triompher la paix» à Genève.
«Dialogue de sourds»
Une prudence partagée par Thomas Pierret, maître de conférence à l’Université d’Edimbourg et auteur de Au coeur des révoltes arabes. Devenir révolutionnaires (Armand Colin, 2013). «Les chances de réussite de Genève II sont très minces», explique-t-il, mettant en avant les problèmes dans la mise en place de la réunion : «L’invitation faite à l’Iran finalement annulée, mais aussi le retrait du Conseil national syrien (CNS) -la plus importante composante de la Coalition de l’opposition-, qui revient à saborder ladite coalition.»
François Burgat, directeur de recherche au CNRS (Iremam, Aix-en Provence) et co-directeur de l’ouvrage Pas de Printemps pour la Syrie (La Découverte, 2013) abonde : «Les acteurs qui pourraient vraiment changer le cours des choses, et notamment décider d’un cessez-le-feu, ne seront pas présents. La coalition qui a décidé, à contrecœur, de participer ne peut parler qu’au nom d’une minorité de combattants.» Et de juger que «malheureusement Genève II risque fort de n’être qu’un dialogue de sourds».
Positions irréconciliables
Dans ces conditions, le scénario le plus probable est de voir la guerre perdurer, selon les deux spécialistes. D’autant plus que «la définition de l’objet même de la conférence pose problème», selon Thomas Pierret. «La Syrie et ses alliés envisagent une discussion purement technique (sur l’humanitaire, sur la libération de prisonniers, éventuellement sur des cessez-le-feu locaux) ou, dans le pire des cas, la mise en place d’un gouvernement de coalition où quelques membres de l’opposition seraient incorporés, mais en conservant Bachar al-Assad au pouvoir.»
Russie et Syrie n’ont en effet jamais accepté que l’idée contenue dans le communiqué final de Genève I, la création d’une autorité exécutive incluant des membres du régime et de l’opposition, signifiait la mise sur la touche de fait de Bachar al-Assad. «Il n’y a pas de volonté de changement de structure du régime, ce qui est en totale contradiction avec ce que souhaitent l’opposition et les Occidentaux, Etats-Unis en tête». Et «la référence explicite de Bachar à sa vraisemblable candidature à un nouveau mandat ruine à l’avance toute possibilité de réel progrès», ajoute François Burgat. Des positions irréconciliables qui lui font dire que «la montagne devrait accoucher d’une souris, sans doute quelques concessions sur la mise en place de corridors humanitaires».
Même analyse pour Thomas Pierret, qui craint pour sa part que «les Etats-Unis, qui arrivent avec Genève I comme barème mais souhaitent que quelque chose sorte de cette conférence, soient prêts à brader un accord, voire à accepter des conditions bien en-deçà de Genève I. Ce qui signifierait l’échec de Genève II.»