Avortement: Les pays de l'Union européenne vont-ils suivre le chemin de l'Espagne?
DROITS•Le changement de législation en Espagne pourrait augurer d'un retour en arrière dans toute l'Europe, selon les associations «pro-choix»...Bérénice Dubuc
L’inquiétude règne en Espagne depuis le 27 décembre dernier, date à laquelle le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy a approuvé un projet de loi qui restreint drastiquement le droit à l'avortement. Une inquiétude qui gagne d’autres pays européens comme la France, où des manifestants se mobilisent, craignant que le virage conservateur de leur voisin ne se propage sur leur territoire national.
De l’avant-gardisme au réactionnaire
Le projet de loi espagnol -qui interdit l’avortement sauf en cas de viol (avec dépôt de plainte), de grave danger pour la femme ou de malformation fœtale, qui devront être diagnostiqués par des médecins- doit bientôt être soumis au Parlement, et les chances sont grandes de le voir voté, le Parti populaire (au pouvoir) y détenant la majorité absolue. Si elle était adoptée, cette loi ferait passer l’Espagne de l’un des pays de l’Union européenne les plus avant-gardistes à l’un des plus réactionnaires sur cette question.
La quasi-totalité des pays membres de l’UE autorisent l'avortement. Seule exception: Malte, qui interdit totalement toute interruption volontaire de grossesse (IVG), même s’il y a un danger vital pour la mère ou si le fœtus présente de graves problèmes.
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D’autres Etats membres pratiquent une politique très restrictive en la matière, comme la Pologne et l’Irlande -et peut-être donc bientôt l’Espagne. En Pologne, les IVG ne sont autorisées qu’en cas de viol, d'inceste et de danger pour la vie ou la santé de la mère, et en Irlande seulement en cas de danger pour la vie de la femme, et ce seulement depuis le mois de juillet dernier. Les autres légalisant l’IVG selon différentes conditions, sur obtention d'un certificat de consultation en Allemagne, jusqu’à dix, douze, quatorze ou vingt-quatre semaines selon les législations.
Retour en force des «pro-life»
Malgré cela, «cette régression pour les femmes espagnoles s’inscrit dans un climat qui n’est pas très bon en Europe pour les droits sexuels et génésiques», les droits liés à la capacité de prendre soi-même des décisions en ce qui concerne sa reproduction sexuée, selon Christine Mauget, responsable de la Commission internationale au Planning familial.
Elle en veut pour preuve, le rejet au Parlement européen, le 10 décembre dernier, du rapport d’Edite Estrela, auquel a été préférée par les députés européens une résolution alternative signifiant que les questions abordées dans le texte de la députée socialiste portugaise étaient du ressort des Etats membres.
Un rejet qui inquiète les associations féministes dans la perspective des prochaines élections européennes (22 et 25 mai). «Les députés européens ont rejeté la possibilité de fonder une politique commune européenne sur ces questions, sous la pression de courants religieux proches du Vatican, qui ont réussi à se faire entendre jusqu’au centre-droit», analyse Christine Mauget, qui juge que ces opposants traditionnels au droit des femmes à disposer librement de leur corps, «se disent pro-life, mais sont en fait anti-choix».