Affaire de viol aux Etats-Unis: Les Anonymous font trembler une petite bourgade

Affaire de viol aux Etats-Unis: Les Anonymous font trembler une petite bourgade

MONDE – Une affaire de viol dans une petite ville du Missouri remontant à janvier 2012 rencontre un écho international, après l’appel lancé par des Anonymous pour rouvrir le dossier...
Faustine Vincent

Faustine Vincent

Il y a encore une semaine, ce n’était qu’un fait divers local oublié, survenu près de deux ans plus tôt dans une petite bourgade du Missouri, aux Etats-Unis. Un adolescent de 17 ans, petit-fils d’une figure politique locale, avait été accusé d’avoir agressé sexuellement le 8 janvier 2012 une jeune fille de 14 ans avant d’être relâché deux mois plus tard «faute de preuve suffisante», selon le procureur. L’affaire a pris une toute autre dimension depuis ce week-end.

Les Anonymous se sont emparés de l’histoire après la parution d’une enquête dans le journal local, The Kansas City Star, soulevant les incohérences du dossier et le calvaire qu’a enduré la plaignante, Daisy Coleman: harcelée par des habitants après cette histoire, la jeune fille a fait deux tentatives de suicide et a fini par quitter la ville avec sa mère, dont la maison a mystérieusement brûlé par la suite.

>> Lire notre interview: «Anonymous c’est un peu devenu le Che Guevara des jeunes»

Dans un texte aux accents juvéniles publié lundi sur Internet, les pirates informatiques réclament «une enquête immédiate» sur le dossier. «Pourquoi un suspect, qui a avoué un crime [il a reconnu l’acte sexuel mais affirme qu’il y avait «consentement», ndlr], a été libéré sans aucune poursuite? Quel est le lien, s’il y en a un, entre le procureur et Rex Barnett [ancien représentant de l’Etat du Missouri et grand-père de l’accusé]? Surtout, les habitants de Maryville arrivent-ils encore à dormir la nuit? […] Monsieur le maire, Jim Fall, vous avez les mains sales. Maryville, on arrive.» Les Anonymous ont lancé l’offensive sur Twitter en créant deux hashtags, #OpMaryville et #Justice4Daisy. Une page spéciale sur Facebook a été créée, sur laquelle les participants appellent à un rassemblement pacifique mardi prochain, le 22 octobre, devant le tribunal de Maryville, en soutien à Daisy Coleman.

Lynchage des habitants

En quelques heures, la bourgade s’est retrouvée au cœur d’une attention médiatique sans précédent. Attaquées de toute part pour leur supposée passivité dans cette affaire, les autorités locales ont rédigé à la hâte un communiqué. Elles implorent «ceux qui observent cet incident de loin à cesser de faire des jugements trop rapides en condamnant l’administration de la Ville, son département de la Sécurité publique et ses citoyens». Elles appellent aussi à ne pas se tromper de cible en rappelant que le dossier est «entre les mains du procureur du comté» et non de la Ville. Une précision utile face au début de lynchage en ligne des habitants. L’un de ces derniers, Cassie Osborn, a réagi sur Facebook: «Je vis à Maryville et non, je n’ai jamais violé personne. Je suis juste une infirmière qui essaie de vivre sa vie avec sa famille. Je n’ai aucune implication dans cette affaire et pourtant je lis dans certains commentaires que je devrais mourir/être tuée seulement parce que je vis ici? […]»

L’appel des Anonymous a en tout cas déjà trouvé un écho auprès d'un haut représentant du Missouri. Le Lieutenant-gouverneur de cet Etat, Peter Kinder, a appelé à rouvrir le dossier, estimant que les questions laissées en suspens «entachent la réputation [du Missouri] à pouvoir rendre une justice impartiale pour tous».

Méthode controversée

Les pirates informatiques n’en sont pas à leur premier essai sur ce type d’affaires. Ils avaient déjà mené campagne dans un autre cas de viol à Steubenville, dans l’Ohio. Au final, deux adolescents avaient été déclarés coupables en mars dernier et condamnés. Cette victoire des Anonymous avait brièvement fait oublier les ratés de leur méthode, controversée, dans un cas précédent. Persuadés de tenir leur coupable dans l’affaire Amanda Todd -cette jeune Canadienne qui s’est suicidée après avoir été harcelée sur Internet- ils avaient divulgué son nom et son adresse. A tort: ce n’était pas lui.