Le Pérou, 10 ans après le rapport Vérité et Réconciliation

Le Pérou, 10 ans après le rapport Vérité et Réconciliation

Dix ans après la publication du rapport de la commission Vérité ...
© 2013 AFP

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Dix ans après la publication du rapport de la commission Vérité et Réconciliation sur les atrocités commises pendant les années de plomb au Pérou (1980-2000), la plupart de ses recommandations restent lettre morte, estiment les organisations de défense des droits de l'homme.

«Les dizaines de milliers d'hommes, de femmes, d'enfants qui ont enduré les terribles violations des droits de l'homme durant le conflit armé au Pérou attendent encore justice, vérité et réparation», relève Amnesty International.

Dans un communiqué commémorant le dixième anniversaire mercredi de la publication du rapport de la CVR, neuf épais volumes disséquant les faits, les causes, et les séquelles d'un des conflit les plus sanglants d'Amérique latine qui a fait près de 70.000 victimes, l'organisation reconnait «certains progrès contre l'impunité».

Mais «la route est encore longue pour les dizaines de milliers de victimes et leurs familles», estime Amnesty.

«Plus jamais la violence» ont demandé mercredi des centaines de personnes massés dans le centre de Lima pour un anniversaire qui a ravivé la douleur de nombreuses familles victimes du conflit armé qui continuent de réclamer justice et réparation.

Les recommandations de la CVR incluaient notamment une réforme des forces armées, de la police et du système judiciaire, des réparations individuelles et collectives pour les victimes et un plan national pour les enquêtes médico-légales afin d'identifier les victimes et la cause de leur mort.

Mais pour Salomon Lerner, ancien président de la CVR «le thème des disparus n'a presque pas avancé». «Il y a eu très peu de recherches, d'enquêtes sur les disparus ces dix dernières années», précise-t-il à l'AFP.

La Commission a identifié plus de 4.000 fosses communes et estime à 15.000 le nombre de personnes disparues. Mais pour l'instant seul les restes de moins de 2500 personnes ont été exhumés dont la moitié seulement ont pu être identifiée et leurs restes remis à leurs familles.

Lerner dénonce notamment l'inaction des autorités militaires et leur peu d'empressement «à donner des informations à la justice pour éclaircir les cas des disparus».

Principales victimes des attaques, les populations indigènes des régions andines, notamment d'Ayacucho, ont payé un lourd tribut au conflit interne opposant les mouvements révolutionnaires du Sentier Lumineux et du MRTA (Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru) à l'armée péruvienne.

Selon la CVR, les forces armées se sont livrées à une répression indistincte contre les populations considérées comme suspectes d'appartenir au Sentier Lumineux.

Mouvement d'inspiration maoïste, celui-ci reste pour la CVR la cause fondamentale du déchainement de la violence lors du conflit armé interne et est est accusé d'être responsable à plus de 50 % des crimes et des violations des droits de l'homme du conflit.

Pour Rocio Santisteban, responsable de la Coordination nationale des droits de l'homme, certaines des causes de la violences du conflit d'alors n'ont pas été éradiquées aujourd'hui.

«La discrimination, la pauvreté, l'exclusion, continuent d'être le facteur principal de la violence structurelle et politique du pays», dit-elle à l'AFP, «c'est pour cela qu'il y a de plus en plus de conflits sociaux».

Bien que connaissant un des plus forts taux de croissance d'Amérique Latine, le Pérou demeure un pays aux inégalités économiques et sociales très marquées.

Pour Santisteban, le bilan des travaux de la CVR reste néanmoins positif du fait qu'il y a provoqué pour la première fois au Pérou «une prise de conscience».

Les victimes, leurs familles «ont découvert qu'ils avaient des droits, ils ont demandé et continuent de demander justice, ils savent qu'ils sont des citoyens et que l'Etat a l'obligation de mettre le thème de l'exclusion à son agenda», dit-elle.

Salomon Lerner est plus pessimiste: «la vérité sur ce qui s'est vraiment passé au Pérou ne sera jamais connue», estime-t-il.

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