MONDEEtat de santé de Bouteflika: Pourquoi l'Etat algérien verrouille l'info?

Etat de santé de Bouteflika: Pourquoi l'Etat algérien verrouille l'info?

MONDELe démenti officiel publié lundi n'a pas fait pas taire les rumeurs sur une aggravation de l'état de santé du président et alimente les spéculations à moins d’un an de l’élection présidentielle...
Claire Planchard

Claire Planchard

Silence, censure, démenti. Depuis l’hospitalisation du président algérien au Val de Grâce à Paris, le 27 avril dernier, à la suite d’un «AVC mineur», les autorités algériennes persistent à bloquer toute information sur son état de santé.

L'opacité comme méthode de gouvernement

Après le scandale provoqué par l’interdiction de parution samedi de deux quotidiens algériens consacrant un dossier spécial à l’état de santé du chef de l’Etat, le Premier ministre Abdelamalek Sellal n’a mis fin lundi à dix jours de silence que pour dénoncer les «fausses» informations publiées notamment par certains médias internationaux et affirmer que son pronostic vital n'a «jamais» été engagé et qu'il était en convalescence.

«Cette attitude ne relève pas d’une stratégie mais d’une méthode qui est celle du régime algérien depuis 50 ans. Elle consiste à entretenir l’opacité pour laisser libre cours à toutes les spéculations», analyse Kader Abderrahim, chercheur associé à l'Iris et maître de conférences à Sciences-po Paris.

Pour ce spécialiste du Maghreb, le silence des autorités algériennes démontre avant tout que le régime actuel, privé de tout soutien populaire, n’est toujours pas prêt à jouer la transparence et à rendre des comptes aux Algériens.

«A moins d’un an de la présidentielle, l’hypothèse d’un quatrième mandat de Bouteflika semble désormais totalement écartée et pour le cercle au pouvoir, trouver la bonne personne va prendre du temps car il faudra trouver un compromis minimal entre tous les candidats putatifs», ajoute Kader Abderrahim, rappelant que lors du décès du colonel Boumédienne en 1978, il avait fallu 45 jours pour lui désigner un successeur.

Une fausse alerte en 2005

«Dans une région aussi instable que le Maghreb ou le Moyen-Orient, où l’Algérie fait figure de relatif havre de sécurité, ce n’est qu’au moment où la succession sera mise en place qu’on n’annoncera le décès, si décès il y a eu», indique Denis Demonpion, journaliste et co-auteur avec Laurent Léger du livre Le dernier tabou, révélations sur la santé des présidents (Ed. Pygmalion, avril 2012).

Toutefois, selon lui, l’absence d’information ne doit pas être interprétée comme un révélateur de la gravité de la situation. «En 2005, Bouteflika avait déjà été hospitalisé au même Val-de-Grâce dans des conditions aussi mystérieuses, sans que rien ne filtre, et le président donné pour mourant a finalement eu huit années de sursis, à ce jour», rappelle-t-il. Un scénario relancé ce mardi après-midi par d’ultimes rumeurs annonçant que le président Bouteflika était sorti du Val-de-Grâce pour se rendre dans un appartement de convalescence aux Invalides.