Allemagne: L'un des plus grands procès néonazis s'ouvre à Munich
MONDE•La seule survivante de la cellule doit répondre d'assassinats racistes, d'attentats et de braquages de banques...20 Minutes avec AFP
L'un des plus grands procès néonazis de l'après-guerre en Allemagne s'ouvre ce lundi à Munich pour juger neuf meurtres racistes qui ont fait ressurgir les démons de l'extrême droite dans un pays traumatisé par son passé nazi.
Beate Zschäpe, seule survivante de la cellule Zwickau, va comparaître durant ce procès-fleuve. Cette femme de 38 ans, originaire de l'ex-RDA et qui a vécu 13 ans dans la clandestinité, doit répondre de sa participation présumée à neuf meurtres racistes entre 2000 et 2006, et à celui celui d'une policière en 2007. Elle est également soupçonnée d'être impliquée dans deux attentats contre des communautés étrangères et 15 braquages de banque. Elle encourt une longue peine de prison.
L’«incarnation du mal»
Cinq juges doivent déterminer le rôle joué par la principale accusée dans ces meurtres qui ont notamment visé huit Turcs ou personnes d'origine turque entre 2000 et 2006. Quatre autres personnes, accusées de complicité, seront assises à côté d'elle sur le banc des accusés. Le procès se tient dans la capitale de la Bavière car cinq des meurtres ont été commis dans cet Etat régional.
Ses deux acolytes, Uwe Böhnhardt (34 ans) et Uwe Mundlos (38 ans), les meurtriers présumés, se sont donné la mort le 4 novembre 2011 alors qu'ils étaient sur le point d'être découverts par la police après un braquage raté. Tous trois formaient la cellule néonazie Clandestinité national-socialiste (NSU) qui disposait de soutiens dans la mouvance extrême droite, active surtout en ex-RDA depuis la Réunification.
Murée dans le silence depuis qu'elle s'est rendue à la police le 8 novembre 2011, Beate Zschäpe ne compte pas s'exprimer sur les faits reprochés, ont prévenu ses trois défenseurs. L'un d'eux, Wolfgang Stahl, a même dénoncé «l'exécution médiatique» dont serait victime sa cliente, présentée selon lui comme «l'incarnation du mal».
Dysfonctyonnements au sein de la police
Les avocats des parties civiles ont souhaité que ce procès permette de faire la lumière au maximum sur les circonstances de ces meurtres qui visaient des petits commerçants. Les familles des victimes ont été accusées à tort, et jamais la piste xénophobe n'a, semble-t-il, été explorée sérieusement par les enquêteurs.
«Nous espérons non seulement une condamnation des accusés (...), nous espérons aussi une discussion au sein de la société sur le problème de la violence d'extrême droite et du racisme en Allemagne», a souligné Sebastian Scharmer, l'un de ces avocats.
Cette affaire a été marquée par une cascade de scandales autour de l'enquête et mis en lumière de graves dysfonctionnements au sein de la police et des services de renseignements intérieurs, censés disposer d' «indics» dans les milieux néonazis mais qui semblent avoir manifesté un aveuglement coupable. Une commission d'enquête parlementaire travaille actuellement sur cette affaire.
Merkel a exprimé la «honte» de l’Allemagne
Fin avril, l'Allemagne a officiellement présenté des excuses à l'ONU pour les erreurs commises durant l'enquête. Avant l'ouverture du procès, la chancelière Angela Merkel, qui avait exprimé l'an dernier «la honte» de l'Allemagne devant ces crimes, a assuré dans le grand journal turc Hürriyet que toute la lumière serait faite sur ces meurtres. «Je vous assure que l'Allemagne fera tout (...) pour condamner les criminels à la peine qu'ils méritent», a-t-elle insisté.
Le procès a été reporté du 17 avril au 6 mai, en raison d'une vive controverse sur l'attribution des places réservées aux médias. Trois journées d'audience sont prévues cette semaine pour ce procès hors normes comparé à celui de la Fraction armée rouge (RAF), dite la «bande à Baader», en 1977.
Plus de 600 témoins sont attendus à la barre, et le calendrier des audiences est déjà fixé jusqu'en janvier 2014 mais les autorités judiciaires ont d'ores et déjà averti que le procès irait bien au-delà.