Depardieu à Saransk: «Ici, la culture passe avant les impôts»

Depardieu à Saransk: «Ici, la culture passe avant les impôts»

INTERVIEW – Petr Tultaev, le maire de Saransk explique dans une interview exclusive à «20Minutes» à quel point l’arrivée de Gérard Depardieu dans sa ville est «une grande chance»…
Propos recueillis par Maud Pierron

Propos recueillis par Maud Pierron

Le maire de Saransk, Petr Tultaev, a donné rendez-vous à 20 Minutes samedi 2 mars à 13h à la mairie pour parler de Gérard Depardieu, son nouvel administré. Puis finalement, un de ses assistants nous conduit à la Maison de la culture à l’heure dite. Au milieu du hall, le maire de Saransk est bien là: il a tombé la cravate, accordéon dans les mains, entouré de danseuses et de de musiciens en costumes, il met l’ambiance. Dix minutes plus tard doit commencer le grand spectacle folklorique de la ville. On discutera après, car d’abord, il faut bien saisir «l’âme et la culture mordove». Deux heures d’accordéons, danses et chants plus tard, nous voilà à l’entracte, pour une interview entre deux sièges centrée sur l'acteur «On n'enlève pas Gérard Depardieu», tient-il à rassurer les Français.

Pouvez-nous expliquer pourquoi Gérard Depardieu a décidé de s’installer à Saransk?

C’est à lui qu’il faut poser la question. Tout le monde s'interroge mais moi, tout ce que je peux dire, c'est qu'ici, c’est très calme, très vert, il y a beaucoup de forêts et d’étangs où on peut pécher tranquillement. Je ne comprends pas pourquoi les Français se posent cette question. Bien sûr, Depardieu est le symbole de la France mais il faut que les Français comprennent qu’il appartient à la culture mondiale cinématographique.

Ce qui étonne notamment, c’est qu’il soit venu dans une ville si peu connue…

La Russie de nous jours, ce n`est pas seulement Moscou et Saint-Pétersbourg, ce sont des villes comme Saransk, comme Samara et d’autres, avec une vie normale, moderne, européenne, où l’on vit peut-être mieux qu’à Moscou. La Russie est différente de ce que l’on peut imaginer et Depardieu peut le montrer, c’est une grande chance pour nous. Ici, à Saransk, il est tranquille, et en même temps, il peut communiquer avec n’importe quel point du globe et être au courant de tout: nous avons la télévision, internet, un aéroport, une gare, etc… Il n’est qu’à quatre heures de Paris [Un peu optimiste, Paris-Moscou c’est environ 3h30 et Moscou-Saransk, c’est 1 heure, Ndlr). Et nous sommes une ville de culture: nous avons construit deux théâtres en quatre ans: le théâtre national dramatique et le théâtre du ballet et de l’opera.

Savez-vous quand il doit revenir?

Je n’ai pas de date précise, mais on a parlé du mois de mai.

Depardieu est un personnage controversé en France, vous pensez qu’il est un bon ambassadeur de Saransk?

Oui! Nous lui sommes très reconnaissants car grâce à lui, chacun peut placer la Mordovie et Saransk sur une carte. Que ce soit à l’étranger ou en Russie. Notre pays est très grand et nos compatriotes ne connaissent pas toujours toutes les régions du pays, à part Moscou et Saint-Pétersbourg. Parfois ils connaissent mieux l’Europe que la Russie! Maintenant, grâce à Gérard Depardieu, même les habitants de Sibérie connaissent Saransk.

Vous savez qu’il a quitté la France à cause des impôts?

Les Français pensent peut-être que Depardieu va payer ses impôts ici. Nous ne refusons pas les impôts mais nous nous intéressons à Gérard Depardieu comme repérensentant de la culture française et mondiale. Les impôts, ça vient après. S’il les paie, c’est bien. Sinon, eh bien tant pis. Qu’il paye en France! A Saransk, la culture passe avant les impôts.

Pouvez-vous nous parler des projets de Gérard Depardieu ici?

Il nous a dit qu’il veut ouvrir un restaurant de cuisine française, avec une boulangerie peut-être. C’est très intéressant pour nous, et pas simplement sur le plan économique, mais aussi sur le plan culturel. Nous aimons la France et nous allons pouvoir en apprendre plus sur les traditions françaises. Nous sommes prêts à lui donner des terrains, à l’aider, car s’il veut investir ici, c’est très bien. Il pourrait aussi tourner un film sur Pougatchev, qui est l’un des héros de notre histoire régionale et nationale. Cela permettrait aux Français de mieux connaître notre histoire. Ce qu’on espère surtout, c’est l’échange culturel. On veut voir ici du théâtre français, écouter des chansons françaises… Depardieu va nous faire partager son expérience. On a montré nos costumes traditionnels à Nice, on aimerait les montrer à Paris. Gérard Depardieu a promis de nous aider. S’il y arrive, ce serait très bien.

Vous comprenez que son installation ici a fait du bruit en France?

Rassurez les Français! Il ne va pas habiter en Russsie ou à Saransk toute l’année. Il est le fils de la France, il aime infiniment la France, il est une partie de la France et on comprend cela. On n’enlève pas Gérard Depardieu, Dieu m’en garde! On prend comme une grande chance le fait de pouvoir faire sa connaissance. Les Français le désapprouvent souvent. Mais c’est un grand homme, il est libre, il a le droit de donner son avis par rapport au gouvernement, c’est un processus assez normal. Certains Russes ne sont pas d’accord avec le gouvernement russe, certains ont beaucoup d’argent et ils partent à l’Ouest. Et personne ne dit rien, non? Pourquoi dans ce cas là parle-t-on de Gérard Depardieu?

Décrivez-nous l’âme mordove dont vous me parliez tout à l'heure? En quoi Depardieu est-il proche de vous?

Ici, on a gardé la culture traditionnelle, on a des racines profondes. Mais ce qui est très important pour nous, c’est que nous sommes très hospitaliers et tolérants. Physiquement, Depardieu ressemble à un Mordove. Et nous avons des âmes sœurs: comme nous, Depardieu est très franc, sincère et ouvert.