Mali: La famille de Gilberto Rodrigues, l'otage oublié, s'exprime
EXCLUSIF – David Rodrigues est le frère de Gilberto, enlevé en novembre 2012 près de la frontière mauritanienne...Alexandre Sulzer
Il est l’otage français au Mali le moins connu de l’opinion. Celui dont on ne parle jamais, celui pour lequel aucun blog ou site de soutien n’existe. «On se sent un peu oubliés mais c’est sûrement un peu de notre faute», glisse à 20minutes.fr son frère David qui, pour la première fois, s’est confié à un média. Gilberto Rodrigues Leal, 63 ans, a été enlevé en novembre dernier dans l’Ouest du Mali, à proximité de la frontière mauritanienne, par des hommes du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).
Le ministère des Affaires étrangères appelle la famille Rodrigues dès qu’il a des éléments nouveaux à leur fournir. Mais depuis plusieurs semaines, il n’a pas appelé. «On ne sait rien de lui depuis la vidéo» diffusée quelques jours après son enlèvement et dans laquelle il demande au gouvernement français, sans autre précision, de répondre aux «revendications» de ses ravisseurs. «Le Quai d’Orsay nous a dit qu’il était dans le nord du Mali mais on ne voit pas pourquoi le Mujao, implanté à Gao et Bourem, l’aurait revendu à Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Notre famille a toujours douté, elle pense qu’il est toujours dans cette région.»
Des humeurs changeantes
Mais David dit toujours faire «confiance à la France». Malgré l’humeur changeante au gré des informations. Lui, son autre frère et ses trois sœurs passent «par toutes les phases». «Quand on entend qu’il y a des prisonniers près de Gao, on se rassure, on se dit que c’est pour nous. Mais quand on entend qu’il y a 50 islamistes tués, on ne peut que se demander si Gilberto fait partie du lot.» Pourtant, la famille Rodrigues n’a jamais communiqué avec l’extérieur. Pas même une banderole n’a été accrochée sur la façade de la mairie de Banassac, le village de Lozère, où vit la famille et dont David est l’adjoint au maire.
«On n’a plus les clés en main»
«Au début, on s’est dit qu’on laisserait passer deux à trois mois pour voir ce qu’il se passe. Mais début janvier, la France est entrée en guerre. On n’a donc plus les clés en main. On voit mal les Français dire aux Maliens: “Maintenant, stop, on négocie”. Je n’y crois pas. Ça ne me paraît pas crédible.» Leur mère est venue vivre à Banassac pendant trois mois mais a fini par repartir au Portugal. «Ici, elle tournait en rond, elle se faisait du mauvais sang.» Quant aux deux enfants trentenaires de Gilberto, «ils ont vite craqué. On essaie de les préserver en ne les appelant pas tout le temps.»
Avant de finir la conversation, David précise: «Mon frère a été enlevé dans une zone qui n’était pas classée comme dangereuse par les autorités françaises.» Histoire de rappeler qu’il n’est pas un inconscient. Simplement un retraité idéaliste, ancien éducateur spécialisé, parti seul en camping-car pour rejoindre le Togo, comme il l’avait déjà fait l’année précédente. «Les bras chargés d’affaires scolaires et de pansements pour les enfants».