Chine: 2 Tibétains lourdement condamnés pour «incitation aux immolations»

Chine: 2 Tibétains lourdement condamnés pour «incitation aux immolations»

Furieuse d'être impuissante à juguler sur son propre sol une vague de suicides de Tibétains, la Chine a pour la première fois lourdement condamné jeudi un moine bouddhiste et son neveu accusés d'avoir "incité" des immolations par le feu.
© 2013 AFP

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Furieuse d'être impuissante à juguler sur son propre sol une vague de suicides de Tibétains, la Chine a pour la première fois lourdement condamné jeudi un moine bouddhiste et son neveu accusés d'avoir «incité» des immolations par le feu.

Lorang Konchok, 40 ans, s'est vu infliger la peine capitale avec sursis --un verdict presque toujours converti en réclusion criminelle à perpétuité-- et son neveu Lorang Tsering, 31 ans, une peine de dix ans de prison.

Les deux accusés ont été reconnus coupables d'avoir «incité» ou «contraint» huit autres Tibétains à accomplir ce geste désespéré, selon le jugement du tribunal d'Aba, situé dans une région tibétaine du sud-ouest du pays. Trois d'entre eux sont décédés en 2012 après avoir mis le feu à leurs vêtements.

Presque cent Tibétains ont ainsi tenté de se suicider par le feu depuis 2009 en Chine pour protester contre la tutelle de Pékin sur leur terre millénaire et la répression implacable de leur religion et de leur culture. La plupart sont morts de leurs brûlures.

«Les autorités chinoises n'ont qu'une seule réponse aux immolations: répression et encore plus de répression», a commenté Katia Buffetrille, tibétologue à l'Ecole pratique des hautes études (Paris). «Elles ne font ainsi que souligner encore plus l'échec de leur politique au Tibet».

La Cour suprême et les plus hautes instances judiciaires et policières chinoises avaient annoncé en décembre que toute personne qui serait convaincue d'avoir aidé ou incité un Tibétain à s'immoler par le feu serait poursuivie pour «homicide volontaire».

Selon le compte-rendu du procès donné par l'agence officielle Chine nouvelle, le bonze et son neveu ont plaidé coupable et se sont repentis de leurs actes.

«Ils les ont condamnés après avoir obtenu de soi-disant +aveux+. Mais dans ce pays où la torture est monnaie courante, on ignore comment ces +aveux+ ont été obtenus, et de toute manière, cela n'explique nullement l'immolation des 90 autres personnes», a dit à l'AFP Mme Buffetrille.

A Pékin, le gouvernement a, sans surprise, défendu le verdict. «Nous espérons que ce procès va permettre à la communauté internationale de voir le rôle de la clique du dalaï lama derrière ces immolations, toutes leurs manoeuvres traîtres destinées à nuire», a affirmé un porte-parole de la diplomatie chinoise.

Pékin accuse régulièrement le chef spirituel des Tibétains d'encourager le séparatisme et les immolations par le feu et évoque toujours le prix Nobel de la paix et ses partisans en employant l'expression péjorative de «clique».

Les autorités chinoises punissent en outre les proches du brûlé, en les maintenant sous pression et en leur empêchant l'accès à l'hôpital. En cas de décès, le corps est rarement restitué à la famille, ou il est incinéré en son absence.

Le pouvoir fait aussi l'impossible pour empêcher la diffusion d'informations concernant une immolation, en particulier les photographies ou les vidéos.

Pour que l'immolation soit connue, il faut en effet que la nouvelle parvienne à des membres de la communauté tibétaine en exil, eux-mêmes souvent en contact avec les ONG occidentales de défense de la cause tibétaine.

A chaque immolation, les autorités coupent donc les rares connexions téléphoniques et numériques existantes et passent au crible les enregistrements des nombreuses caméras de surveillance installées autour des monastères bouddhiques, lieux souvent choisis par les candidats au suicide.

Un Tibétain risque une longue détention en transmettant simplement dans un email un cliché ou un message rapportant une immolation. Les régions tibétaines chinoises restent par ailleurs fermées à la presse étrangère accréditée en Chine.