TERRORISMEBenghazi: Washington était informée d'une revendication islamiste

Benghazi: Washington était informée d'une revendication islamiste

TERRORISMEPlusieurs mails ont été envoyés peu de temps après le début de l'attaque du consulat américain...
M.Gr. avec Reuters

M.Gr. avec Reuters

La Maison blanche et le département d'Etat ont été informés environ deux heures après l'attaque du consulat américain à Benghazi de l'existence d'une revendication émanant du groupe islamiste Ansar al Charia, montrent des courriels officiels dont Reuters a eu connaissance.

Ces messages assez brefs, que Reuters a obtenus auprès de sources gouvernementales anonymes non liées aux services secrets américains ni au département d'Etat, montrent que des diplomates ont décrit l'assaut à des responsables à Washington alors même qu'il était en cours.

Trois courriels

Cette attaque survenue le 11 septembre a coûté la vie à quatre Américains, dont l'ambassadeur des Etats-Unis en Libye, Christopher Stevens. Elle est devenue l'un des thèmes de la campagne pour l'élection présidentielle aux Etats-Unis, le candidat républicain Mitt Romney ayant accusé le président démocrate Barack Obama d'avoir tardé à reconnaître qu'il s'agissait d'une «attaque terroriste» planifiée par des groupes extrémistes liés à Al Qaida.

Si Barack Obama a bien employé cette expression dès le lendemain, plusieurs porte-parole de l'administration démocrate, dont celui de la Maison blanche Jay Carney, ont en revanche maintenu pendant plusieurs jours qu'il pouvait aussi s'agir d'une manifestation spontanée contre le film islamophobe «L'innocence des musulmans».

«Sensitive but Unclassified»

Les documents obtenus par Reuters sont trois courriels transférés durant l'après-midi du 11 septembre par le centre opérationnel du département d'Etat vers divers organismes gouvernementaux, notamment à la Maison blanche, au Pentagone, aux services de renseignement et au FBI.

Le premier courriel est daté de 16h05 heure de Washington, 22h05 à Benghazi, soit environ 20 à 30 minutes après le début supposé de l'attaque contre le consulat. Il est titré «Mission diplomatique américaine à Benghazi attaquée» et comporte la mention SBU, pour «Sensitive but Unclassified» (Sensible mais non classé secret).

Informations éparses

Ce courriel fait état d'une information en provenance du bureau régional des services de sécurité du département d'Etat selon lequel le consulat est «attaqué». «L'ambassade à Tripoli signale qu'environ 20 individus armés ont ouvert le feu; des explosions ont aussi été entendues», est-il écrit.

Le message se poursuit ainsi: «L'ambassadeur Stevens, qui se trouve actuellement à Benghazi, et quatre (...) membres du personnel se trouvent dans l'abri du consulat. La milice du 17-Février fournit un soutien dans le domaine de la sécurité.»

Le deuxième courriel, intitulé «Première actualisation: mission diplomatique américaine à Benghazi», est daté de 16h54 heure de Washington. Il est écrit que l'ambassade américaine à Tripoli a signalé que «les tirs à la mission diplomatique américaine à Benghazi ont cessé et le complexe a été dégagé». Il ajoute qu'une «unité de réaction» se trouve sur place pour tenter de retrouver le personnel manquant.

Groupe armé de la région de Benghazi

Un troisième courriel, également classé SBU et daté de 18h07 heure de Washington, est intitulé: «Deuxième actualisation: Ansar al Charia revendique la responsabilité de l'attaque de Benghazi». Il est écrit: «L'ambassade à Tripoli signale que le groupe a revendiqué la responsabilité sur Facebook et Twitter et a lancé un appel à attaquer l'ambassade de Tripoli».

D'après les experts des questions de renseignement, les premières informations en provenance des lieux d'un attentat ou d'une catastrophe sont souvent inexactes. Le 12 septembre, Reuters a fait état d'éléments indiquant une possible implication d'Ansar al Charia, groupe armé de la région de Benghazi, et d'Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) dans la préparation de cette attaque.

«Participation d’extrémistes»

Lors de la première réunion confidentielle avec des membres du Congrès pour les informer au sujet de cette attaque, les responsables américains ont présenté de manière prudente aux parlementaires l'ensemble des informations éparses à leur disposition.

Selon un responsable des services de renseignement, ils ont alors évoqué la «participation d'extrémistes dans cette attaque apparemment spontanée» et déclaré que les autorités américaines «examinaient attentivement des liens éventuels avec des groupes tels que» Ansar al Charia et Aqmi.