MONDELibye: Pas de véritable désarmement sans une armée et une police fortes

Libye: Pas de véritable désarmement sans une armée et une police fortes

MONDELe désarmement des civils et des milices restera difficile tant que les Libyens n'auront pas confiance dans les services de sécurité de l'Etat...
Bérénice Dubuc (à Tripoli)

Bérénice Dubuc (à Tripoli)

De notre envoyée spéciale à Tripoli (Libye)

«Si je rends mon arme et que demain ma maison est attaquée, comment je vais défendre ma famille?» Pour Ahmed, habitant de Tripoli, pas question de se séparer de ses armes tant qu’il ne se sentira pas en sécurité. Principal chantier du nouveau gouvernement libyen, la question du désarmement est particulièrement sensible dans le pays.

En effet, les dirigeants libyens souhaitent désarmer les civils au même titre que les anciennes brigades révolutionnaires devenues de véritables milices, même s’ils espèrent toujours pouvoir les intégrer aux services de sécurité du nouvel Etat. Mais, pour ce faire, encore faut-il avoir une armée et une police fortes en qui les civils peuvent avoir confiance, et sur laquelle ils peuvent s’appuyer en cas de problème.

1.200 dinars libyens la kalachnikov

«Toutes les semaines on entend des histoires de personnes qui ont été enlevées et que l’on n’a pas retrouvées», reprend Ahmed, également possesseur d’un gros 4X4, dont il ne se sert plus de peur d’être victime d’un car-jacking «ou pire». Pour lui, «la question la plus importante, c’est: à qui rend-on nos armes? Comment peut-on être sûrs que ceux à qui nous les déposons ne sont pas des miliciens qui souhaitent se constituer un arsenal et remettre le pays à feu et à sang?»

Car dans le pays circulent plusieurs milliers d’armes, sans que l’on puisse dire exactement combien, allant des armes légères (kalachnikovs, mitraillettes) aux armes lourdes (lance-roquettes, missiles sol-air…). Elles proviennent des caches de l’ancien régime pillées pendant et après la Révolution, mais ont aussi été fournies par les États soutenant les rebelles, ou encore sont passées par les frontières devenues poreuses avec la Révolution (Algérie, Égypte...). Les armes sont devenues des articles si banals que les prix sont publiquement connus. Ainsi, une vraie kalachnikov se vend environ 1.200 dinars (un peu moins de 740 euros), un pistolet 9 mm environ 5.000 dinars (environ 3070 euros), et un lance-roquettes à quatre tubes 50.000 dinars (un peu plus de 30.700 euros).

Le gouvernement tente donc de récupérer tant bien que mal ces armes, via des campagnes de collecte. La semaine dernière, une grande campagne a ainsi été organisée par les autorités libyennes. «Ils disent que c’est un succès, mais soyons sérieux. Les Libyens n’ont pas qu’une seule arme, mais plusieurs, croit savoir Ahmed. En rendre une pour gagner une voiture ou un ordinateur portable, et conserver les autres pour se protéger, c’est un bon deal.»