Une Tunisienne violée par la police accusée d'atteinte à la pudeur

Une Tunisienne violée par la police accusée d'atteinte à la pudeur

© 2012 AFP

© 2012 AFP

La convocation devant un juge d'une femme accusée d'atteinte à la pudeur après son viol par des policiers en Tunisie a déclenché mercredi la colère de la société civile, qui reproche régulièrement aux islamistes au pouvoir de faire peu de cas de la condition féminine.

Plusieurs ONG dont l'Association tunisienne des femmes démocrates et la Ligue tunisienne de défense des droits de l'Homme, ont dénoncé avec virulence la convocation mercredi de cette jeune femme par un juge d'instruction.

Elle doit être confrontée à deux policiers, incarcérés pour viol, qui l'accusent d'«atteinte à la pudeur» et de «voies de fait».

Selon le ministère de l'Intérieur, la jeune femme et son ami avaient été appréhendés par trois agents de la police le 3 septembre dans une «position immorale». Deux d'entre eux avaient alors violé la victime pendant que le troisième retenait le fiancé menotté.

Les ONG ont relevé que cette procédure «transforme la victime en accusée» et «vise à la terroriser et à l'obliger, elle et son fiancé, à renoncer à leurs droits».

Les associations s'interrogent aussi «sur le sérieux de l'engagement du gouvernement à appliquer le plan national de lutte contre la violence faite aux femmes».

«Le viol comme moyen de répression est encore une pratique en Tunisie», a pour sa part dénoncé la coalition d'opposition de gauche «Le Pôle» appelant à l'adoption d'une loi organique, protégeant les «Tunisiennes et les Tunisiens contre toutes les formes de violence physique, morale ou sexuelle».

La députée Karima Souid, membre d'Ettakatol un parti de gauche allié aux islamistes d'Ennahada, a pour sa part dénoncé sur Facebook son soutien au gouvernement pour protester contre la procédure visant la victime du viol.

«Je me désolidarise complètement de ce gouvernement. L'affaire du viol et la convocation de la victime ce matin est la goutte d'eau qui vient de faire déborder le vase», a-t-elle écrit, lançant à la coalition tripartite au pouvoir «Je vous vomis!»

Interrogé par l'AFP, le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Khaled Tarrouche, a indiqué que son ministère «n'avait rien à voir» avec les poursuites engagées contre la jeune femme, soulignant que la décision relevait du juge d'instruction.

«Dans cette affaire, nous nous sommes comportés comme il fallait. Ce qui devait être fait a été fait, les trois agents ont été arrêtés tout de suite», a-t-il dit.

Le ministère de la Justice était pour sa part injoignable mercredi. Les associations féministes tunisiennes dénoncent, depuis l'arrivée au pouvoir des islamistes d'Ennahda après la révolution, le comportement de la police à l'égard des femmes, qui seraient régulièrement harcelées pour leur tenue vestimentaire ou lors de sorties nocturnes sans un homme de leur famille.

Le porte-parole du ministère de l'Intérieur a pour sa part assuré que les agressions de femmes par des policiers sont des cas «isolés». «Ce sont des actes isolés, il ne faut pas y voir quelque chose d'organisé ou de généralisé», a-t-il dit. «Les policiers sont aussi des citoyens avant tout et lorsqu'ils commettent des fautes, on applique la loi sans équivoque», a assuré le porte-parole.

Les femmes tunisiennes bénéficient du statut le plus moderne du monde arabe depuis la promulgation du Code de statut personnel (CSP) le 13 août 1956 instaurant l'égalité des sexes dans plusieurs domaines, mais elles restent discriminées dans plusieurs autres, notamment concernant les héritages.

Les islamistes d'Ennahda avait par ailleurs déclenché un large mouvement de contestation en août en proposant d'inscrire dans la nouvelle Constitution la «complémentarité» des sexes et non l'égalité. Ce projet de texte a été abandonné lundi.