Conflit Chine-Japon: «Cela peut aller jusqu'à la guerre»
TEMOIGNAGES•Des citoyens chinois et japonais donnent à «20 Minutes» leur sentiment sur la situation actuelle...Corentin Chauvel
Un différend entre la Chine et le Japon sur la propriété d’îlots inhabités, appelés Diaoyu en Chine et Senkaku au Japon, a déclenché de violentes manifestations ces derniers jours en Chine à l’encontre des intérêts japonais. Alors qu’aucun des deux pays ne semblent vouloir faire de concessions, 20 Minutes a interrogé des citoyens chinois et japonais pour connaître leur sentiment sur un incident qui attise les foudres au-delà des sphères politiques.
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Un seul élément les unit: Chinois comme Japonais se sentent particulièrement concernés par l’événement. Pour le reste, les avis sont largement divisés des deux côtés de la mer de Chine. Lorsqu’on leur demande à qui appartiennent ces fameuses îles de la discorde, nos témoins gardent un point de vue bien de chez eux.
«Les îles Diaoyu appartiennent à la Chine depuis des millénaires. Elles ont été cédées au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale mais les Chinois considèrent qu'elles ont été rétrocédées et font partie de l'histoire chinoise», explique Gang, un Chinois de 29 ans. Shimako, une Japonaise de 28 ans, n’est pas du même avis: «Ces îles ont toujours appartenu au Japon, de nombreuses preuves en attestent.»
«Le Japon essaye de détourner l'attention de la population»
Si c’est bien le Japon qui a déclenché les foudres en premier en annonçant son intention de nationaliser ces îles, chacun a sa petite idée sur les raisons ayant mené les deux pays à hausser le ton. Tous les Japonais interrogés sont unanimes: la Chine revendique de nouveau ces îles parce que des ressources naturelles y ont été récemment découvertes. Côté chinois, c’est partagé. Tao, 33 ans, est d’accord avec les arguments japonais: «Ce sont des îles chinoises, mais on se réveille parce qu’il y a des ressources naturelles alors qu’on les avait laissé tomber avant.»
Pour Gang, au contraire, «le Japon essaye de détourner l'attention de la population sur les grandes difficultés économiques du pays et de retrouver une ferveur nationaliste.» Satoshi, un Japonais de 32 ans, pense lui l’exact inverse: «Le gouvernement chinois laisse les gens agir comme cela (manifester avec violence, ndr) pour que leurs plaintes contre la vie quotidienne n’explosent pas.»
«C’est le gouvernement chinois qui a organisé les manifestations»
Si Gang et Tao comprennent la colère de leurs compatriotes chinois, expliquant que ce conflit a «fait resurgir les douleurs et les souffrances de la colonisation japonaise», le second ne se fait pas non plus d’illusion sur la tenue des manifestations antijaponaises. «Tous les Chinois sont interdits de manifester, de brûler ou de casser, mes parents, qui vivent à Nankin, m’ont dit que c’est le gouvernement qui avait tout organisé, c’est un piège», déplore-t-il, ajoutant que, personnellement, il «adore le Japon et les produits japonais».
Les violences commises en Chine ont particulièrement choqué les Japonais. «Quand la Chine a un problème avec le Japon, ils changent de sujet en évoquant la Seconde guerre mondiale et deviennent violents. C’est du lavage de cerveau, j’ai pitié pour eux», peste Shimako. «Leur comportement m’énerve, ils ont l’air fous et stressés et j’ai l’impression qu’on ne peut jamais résoudre les problèmes calmement», renchérit Harumi, une Japonaise de 27 ans, qui annonce d’ores et déjà avoir reporté un voyage à Hong-Kong prévu cet automne.
«Une véritable haine entre Chinois et Japonais»
De l’autre côté de la mer de Chine, le ressentiment est réciproque. «Cette affaire prend une proportion énorme en Chine. Il y a une véritable haine entre les Chinois et les Japonais qui ne date évidemment pas de cette affaire. Ils se détestent, en tout cas les Chinois détestent les Japonais», souligne Karine, la femme franco-chinoise de Gang.
Désormais, l’avenir ne s’annonce pas vraiment rose entre les deux peuples. Si Tao croit à un apaisement prochain, Gang et Satoshi ne croient pas qu’on puisse éviter un conflit plus sérieux. «Cela peut aller jusqu’à la guerre», craint le Chinois. Pour sa part, Chieko, une Japonaise de 30 ans a déjà tout prévu: «Je me sens en sécurité au Japon, mais je vais quand même éviter de manger de la nourriture chinoise au cas où ils auraient l’idée de l’empoisonner avant de l’exporter chez nous.»