Afrique du Sud: Agressions et discrimination au quotidien pour les immigrés

Afrique du Sud: Agressions et discrimination au quotidien pour les immigrés

Attaques de magasins, menaces ou harcèlement policier: la vie n'est pas simple pour les immigrés installés en Afrique du Sud, dont les représentants accusent les autorités de légitimer la xénophobie.
Attaques de magasins, menaces ou harcèlement policier: la vie n'est pas simple pour les immigrés installés en Afrique du Sud, dont les représentants accusent les autorités de légitimer la xénophobie. - Cynthia Matonhodze afp.com
© 2012 AFP

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Attaques de magasins, menaces ou harcèlement policier: la vie n'est pas simple pour les immigrés installés en Afrique du Sud, dont les représentants accusent les autorités de légitimer la xénophobie.

La situation s'est certes calmée depuis les violentes émeutes anti-étrangers qui avaient fait 62 morts en 2008. Mais des incidents sporadiques n'ont pas cessé dans les townships.

«L'Afrique du Sud est un pays assez xénophobe», témoigne Gwada Majange, porte-parole du Consortium pour les réfugiés et les migrants (CoRMSA). «Cette année, par exemple, nous avons eu de nombreuses attaques dans le pays, ciblant principalement les propriétaires d'épiceries».

Leurs magasins sont régulièrement pillés. Les agresseurs sont souvent des concurrents locaux, ou des chômeurs leur reprochant de voler le travail des Sud-Africains.

En juillet, 500 personnes ont ainsi été déplacées après des attaques à Botshabelo, une township de l'Etat libre (centre), tandis que des boutiques ont été incendiées dans la banlieue du Cap.

Les victimes sont surtout des Bangladeshis, Somaliens ou Ethiopiens. Leur tort? s'associer pour acheter en gros et vendre moins cher, faire crédit aux clients fidèles, ouvrir tôt, fermer tard...

En ville, il y a moins d'agressions physiques, mais on reproche aussi d'être là au jardinier malawite ou à la secrétaire congolaise, dont le quotidien est une suite sans fin de vexations et de harcèlements policiers.

Car si l'Afrique du Sud fait figure d'eldorado et de havre de stabilité sur le continent, le taux de chômage officiel y dépasse les 25%. «Ils arrêtent les gens qui n'ont pas de papiers, et même ceux qui en ont», raconte Jean-Pierre Lukamba, vice-président du Forum de la diaspora africaine, une fédération d'associations de réfugiés et d'immigrés.

«Il y a des rafles, comme jeudi dernier: ils disent "vous allez montrer vos papier au juge lundi", et vous restez au poste le vendredi, le samedi et le dimanche. Et on vous refuse tout contact avec le reste du monde! Des fois, on ne vous dit même pas pourquoi vous êtes arrêté. Certains policiers peuvent même déchirer vos papiers», dit-il.

«C'est comme à Paris, on vous arrête à tous les coins de rue. Mais ici, les policiers sont noirs aussi», confirme Elisabeth Mozanga, une Congolaise. La discrimination ne s'arrête pas là, comme le note Marc Gbaffou, président du Forum: «Quand tu vas à l'hôpital, si tu n'as pas de papiers sud-africains, ça devient très lent... Il y a une femme qui a perdu son enfant comme ça».

«Et pour le travail, c'est un autre problème: sur beaucoup d'offres, il y a marqué «SA only» ou «Bring your ID» (Sud-Africains seulement, apportez vos papiers sud-africains, ndlr). Les immigrants sont exclus!»

«Il n'y a pas de menaces directes ici en ville, pas comme dans certaines townships (...) Mais si tu sors, il vaut mieux ne pas oublier tes papiers! Et pour le business, les autorités font du zèle. Par principe, pour eux, on est des voleurs», ajoute un Camerounais de Johannesburg, qui n'a pas voulu donner son nom.

Les autorités sont accusées de laxisme, voire de complicité latente. «Le gouvernement est en train de légaliser les attaques xénophobes. C'est la grande menace», souligne Marc Gbaffou.

En cause notamment, un projet de résolution de l'ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud. Regrettant que le pays ait signé la convention de Genève sur les réfugiés, l'ANC prône une immigration choisie.

«Les non Sud-Africains ne devraient pas pouvoir acheter ou gérer des épiceries ou des entreprises plus grandes sans s'être conformés à certaines dispositions législatives», écrit-il notamment, sans autre précision.

«Ils veulent institutionnaliser la xénophobie. Si même les policiers et le gouvernement vous attaquent, ça vous rend bien plus vulnérable», déplore M. Gbaffou.

«On attend le document final pour faire du tapage», ajoute-t-il. L'ANC préfère ne faire aucun commentaire sur ce texte qui ne doit être adopté que lors de son congrès en décembre. L'Afrique du Sud compterait un peu moins de 2 millions d'immigrés, soit 3 à 4% de la population selon des statistiques très incomplètes sur le sujet.

Quant aux étrangers blancs, ils ne sont pas inquiétés.