Mort de Johnny Hallyday: Comment Johnny a incarné la «bête de scène» grâce à ses costumes?
DÉCRYPTAGE•La rock’n’roll attitude jusqu’au bout des santiags…Anne Demoulin
Si « l’habit ne fait pas le moine », le costume fait l’artiste. Ceux qui ont vu Johnny Hallyday en concert assurent qu’il était une « bête de scène ». Un qualificatif qu’il doit à sa voix puissante, à son énergie incroyable, à son charisme évident mais aussi à ses tenues. « Le costume est l’élément le plus stratégique de la mise en scène du concert et de la construction de la propre mythologie du musicien », rappelle Delphine Pinasa, directrice du Centre national du costume de scène, à qui l’icône de la chanson française avait prêté des costumes à l’occasion de l’exposition « Déshabillez-moi ! Costumes de la pop et de la chanson ». La rock’n’roll attitude jusqu’au bout des santiags.
« Noir, c’est noir »
« Johnny Hallyday a prêté au musée cinq tenues pour l’exposition. A la Savannah, sa demeure de Marnes-La-Coquette, deux pièces étaient entièrement consacrées à ses costumes de scènes et à ses chaussures », se souvient Delphine Pinasa. « Tout en étant moins dans la transformation que Michael Jackson ou David Bowie, Johnny Hallyday était très soucieux de son esthétique », constate l’experte. En 55 ans de carrière et 50 albums, il a eu le temps d’expérimenter différents styles. « Mon style, c’est plutôt Tom Ford : classique, chic. Mais pour les concerts, je redeviens Johnny Hallyday », confiait-il en 2012 à L’Express.
Dans les années 1960, au début de sa carrière, il apparaît sur scène généralement en costume noir, avec une chemise et une fine cravate, à la manière d’Elvis Presley. « Johnny a chanté "Noir, c’est noir" parce que c’est sa couleur de prédilection, celle du rock’n’roll, des blousons noirs », commente Delphine Pinasa.
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« Les codes des bikers américains »
A partir de 1966, le look de Johnny est moins sage : place aux costumes chinois et aux chemises aux motifs psychédéliques. Johnny Hallyday s’inspire du look des rockers anglo-saxons. Pour sa tournée de 2006, Johnny Hallyday porte un boléro en cuir retourné brodé de chaînettes en métal argent, de perles et de paillettes, un pantalon en galon noir avec ceinture en macramé de cuir signé Franck Sorbier : « Cette veste s’inspirait de celle, militaire, de Jimi Hendrix », qui a assuré la première partie de Johnny Hallyday en 1966.
Dans les années 1970, « avec Sylvie Vartan, ils travaillent avec des costumiers américains ». Place aux costumes flamboyants avec paillettes et strass du disco, mais aussi aux Stetson, aux bijoux d’inspiration amérindienne, au « daim » et « aux franges » et aussi aux tenues reprenant « les codes des bikers américains », les Hells Angels. Passionné d’Harley Davidson, le vestiaire du Taulier « montre son côté sauvage », celui de l’Ouest américain.
En 1978, en hommage à Elvis, décédé un an auparavant, Johnny Hallyday endosse un des costumes du King, acheté aux enchères : une combinaison blanche décorée de fleurs et d’oiseaux. « Enfiler le costume d’un autre, c’est se mettre dans la peau de l’autre. Les fans des rock stars s’habillent comme leur idole », souligne la spécialiste.
« Le cuir, sa seconde peau »
De Johnny Hallyday, on retiendra les éternels blousons en cuir et les tenues de scène à fleur de peau. Au CNCS en 2016, il confie notamment un costume en cuir noir riveté de plaques métalliques argent, avec gilet, pantalon, deux poignets et une ceinture, signé du couturier français Jean-Claude Jitrois. Johnny l’avait porté lors d’un concert au Parc des princes, en 1993.
« Le cuir montre son côté brut, sauvage et animal. Le métal est le vestige de l’armure du guerrier. Johnny sur scène est un homme qui part au combat », analyse l’experte.
Les costumes de Johnny Hallyday sont toujours « très soignés, d’une qualité exceptionnelle, et souvent signés par des grands couturiers ». « Le pantalon est généralement légèrement pattes d’eph, la veste un peu courte, le haut est souvent sans manches, avec des manchettes cloutées, laissant apparaître la peau, c’est très rock’n’roll de laisser apparaître la peau, pensez à Iggy Pop », souligne Delphine Pinasa.
Pour le Palais des sports en 1982, Johnny, en hommage à Mad Max apparaît en peau de bêtes. Pour sa tournée de l’été 1996, Léonard lui confectionne une tenue au motif zébré. Pour le concert de la Tour Eiffel en 2000, il porte un pantalon en « sublime peau d’agneau », signée de l’italien Gucci. Peu importe l’époque, les costumes de Johnny incarnent toujours la bête de scène qu’il a en lui.
Pour sa dernière apparition sur scène en 2017, Johnny porte un simple costume noir, une chemise noire et une fine cravate. Une tenue qui rappelle ses débuts. « Le noir, c’est la simplicité. Johnny boucle la boucle avec élégance », commente l’experte. Le détail qui tue, sur la cravate, une tête de mort.