Vous avez déjeuné avec nous aux Fables de la Fontaine, la table étoilée de Julia Sedefdjian
REPORTAGE•« 20Minutes » a retenu la plus jeune de ses candidates pour accompagner son chroniqueur gastronomique à la table de la plus jeune cheffe étoilée de France, Julia Sedefdjian…Stéphane Leblanc
L'essentiel
- Julia Sedefdjian, la plus jeune cheffe étoilée de France, aura 23 ans en décembre. C'est aussi l'âge de notre invitée, Raphaëlle G.
- Les Fables de la Fontaine sert une cuisine de la mer raffinée, décomplexée, accessible.
- A la carte, nous avons privilégié les plats "signatures" de la cheffe qui permettent de composer un repas complet autour de 60 euros.
En se retrouvant étoilée à 21 ans, Julia Sedefdjian est devenue la plus jeune cheffe récompensée par le Guide Michelin. Raphaëlle G., notre invitée, est à peine plus âgée qu’elle. Musicienne de formation et étudiante en droit, elle entamera le deuxième master 2 de son cursus universitaire, sur le droit des activités du numérique.
« Quel a été votre parcours ? », demande-t-elle à la jeune cheffe des Fables de la Fontaine, situé à deux pas du Champ de Mars et de la Tour Eiffel à Paris. « Je viens de Nice où j’ai passé à 14 ans un CAP de cuisine. Je suis arrivée ici en 2012 en tant que commis, je suis passée sous-cheffe le jour de mes 18 ans et j’ai remplacé le chef quand il est parti », raconte Julia Sedefdjian à Raphaëlle, qui l’écoute religieusement.
L’invitée de notre opération « A Table avec 20Minutes » a, elle aussi, été initiée très jeune à la cuisine. Pas professionnellement, bien sûr, mais par son père. « Et c’est devenu une passion », note Raphaëlle. Père et fille s’offrent mutuellement des cours de cuisine à Noël. Quand elle parvient à se lever assez tôt, elle l’accompagne au marché et suit depuis toujours ses conseils. « Ne critique pas ce que tu n’es pas capable de faire toi-même », ne cesse-t-il de lui répéter…
Un festival de plats signatures
Pourvu que cela ne l’empêche pas de mettre son grain de sel au cours du repas… La carte des Fables de la Fontaine pointe les plats « signatures » de la cheffe, que nous commandons consciencieusement, avec l’idée de nous les partager pour mieux les commenter.
L’œuf jaune croustillant, poireaux croquants en vinaigrette d’algues, haddock cru et cuit (17 euros) fait une entrée en fanfare. C’est un plat qui a le goût du spectacle et notre invitée est mise à contribution : c’est à elle que revient de trancher la coque panée de l’œuf en deux et de mélanger le jaune aux tronçons de poireau et à la chair du haddock fumé. « C’est salé, ce qui est normal pour du haddock, note-t-elle. Mais quand même, c’est assez puissant… »
Même impression pour l’autre entrée : les huîtres choisies par notre invitée parce qu' « on en parle dans le Michelin » (25 euros), viennent par quatre : deux d’entre elles sont cuisinées en gelée d’eau de mer, les deux autres fumées au foin. Une association tout en contrastes que revendique Julia Sedefdjian : « C'est parce que je suis une fille de caractère », nous lâche-t-elle dans un éclat de rire.
Ses plats de résistance non plus n’en manquent pas, de caractère. Ses poissons notamment, dont elle tire le meilleur « grâce à la vapeur, qui est le mode de cuisson que je préfère », souffle la jeune femme en servant son fameux « aïoli de lieu jaune » (26 euros) sur une grande assiette plate dont les couleurs rappellent un tableau de Matisse : mayonnaise à l’ail, petits légumes, coulis de betterave…
« J’essaie de mettre le meilleur des saveurs du sud dans ce plat qui me rappelle mon enfance », glisse Julia Sedefdjian. Son autre spécialité de poisson est au contraire servie dans une assiette creuse en forme de rocher, ce qui donne l’impression d’aller pêcher des coques et des crustacés au fond d’une mare dans laquelle est versée une succulente soupe de poissons.
C’est la bourride du Gros Caillou (32 euros), « une bouillabaisse revisitée », annonce le serveur dans un sourire prêt à ensoleiller tout Paris.
« J’apprécie la richesse des deux assiettes », s’enthousiasme notre invitée qui avoue quand même un faible pour la seconde. « J’aime bien devoir piocher un à un les ingrédients de l’aïoli, mais avec la bourride, on plonge la cuillère et on voit ce qu’on attrape, s’amuse-t-elle. On n’a pas le choix. » Mais on se laisse emporter. D’autant que le goût corsé du plat révèle une fois de plus, pour Raphaëlle, « une sacrée personnalité ».
Si les internautes vantent souvent la qualité du soufflé en dessert, notre choix s’est plutôt porté sur la dernière « signature » de la carte qui, elle non plus, ne manque pas de piquant : le sablé breton au citron servi avec un sorbet et de (toutes petites) meringues poivrées (12 euros), qui en atténue paradoxalement l’acidité. « On a bien fait d’en prendre un chacun, souligne notre invitée. Sinon il aurait fallu se battre pour la dernière bouchée. »